PourParler – La préparation mentale au service de la performance – Benoit Auger
J’ai 47 ans, j’ai un background de biologiste, je voulais absolument bosser dans tout ce qui est comportemental, et travailler sur le comportement des requins. Et finalement je suis parti des requins qui ne parlent pas à ceux qui parlent, je suis reparti dans le business (le monde de l’entreprise) et j’ai passé 15 ans à travailler pour des grands cabinets de conseil, chez Accenture et Witt Associate American Struggle (?), et après j’ai travaillé pour moi-même, j’ai monté une première structure et là une deuxième avec cette idée de continuer ce travail sur le comportement. Il y a un sujet qui m’a toujours intéressé, l’histoire de la performance, qu’elle soit individuelle ou collective, comment aller chercher, qu’est-ce qui fait qu’à un moment on peut être performant, en plus quand on est en collectif, qu’est-ce qui fait que le collectif devient performant, et surtout, est-ce qu’on peut être performant dans la durée, c’est quoi la recette quelque part qui va faire que, quels que soient les domaines, les sujets, quelles que soient les crises, l’équipe ou l’individu passe au travers et reste performant dans le temps. C’est un sujet qui me passionne et depuis quelques années, j’accompagne les dirigeants dans cette recherche de performance, individuelle et collective, au travers d’accompagnements en mêlant plusieurs choses, du consulting, du coaching et aujourd’hui de la préparation mentale, c’est un sujet qui m’a toujours beaucoup passionné, pour essayer de se dire, comment on peut être, il y a une phrase qui dit, on n’est jamais prêt, mais on peut être préparé et je crois beaucoup à ça. Ou cette phrase de, je crois Eisenhower, le plan ne tient pas face à la première balle
le plan ne résiste pas à la bataille
C’est ça, se dire, OK, mais du coup qu’est-ce qu’on peut faire pour se préparer, qu’est-ce qu’on peut être pour être là dans les moments de vérité, que les moments de vérité soient très courts, comme un rendez-vous avec un client ou comme un conseil d’administration, des moments où tu peux te préparer et qui vont être assez courts. Ou comment se préparer pour des moments plus longs, on l’a vu sur ces deux dernières années et demie, comment je me prépare à des situations de crise qui durent et qui s’empilent les unes après les autres, il n’y en a pas une qui se termine, elles sont juste en train de s’empiler les unes sur les autres, donc comment je fais pour rester préparé et performant dans ces situations.
tu commences par le conseil, après le coaching et dernièrement sur la notion de préparation mentale. Quelle différence tu peux faire entre ces trois notions ? Est-ce que la préparation mentale englobe tout ?
Le premier sujet, c’est le consulting, pendant des années, on est un client solver. Un client vient te voir, il a un problème, et toi tu as un cerveau plutôt bien fait, tu as de bonnes méthodes, et tu vas l’aider à résoudre le problème. C’est du process, de l’organisation, de la connaissance, et le but c’est de mettre tout ça en marche pour rassurer que tu vas pouvoir l’aider à résoudre son problème.
Le coaching, comme on dit, la première formation de coaching, on m’a dit, le coaching c’est dissoudre le problème, ça ne va pas être de le résoudre, c’est-à-dire que je ne vais pas t’amener une solution, le point du coaching c’est de dire, je vais augmenter l’espace solution .Tu vas venir me voir et me dire, j’ai un problème , je n’y arrive pas depuis des semaines et des mois, et je pense qu’on ne peut rien faire, donc je viens te voir, un peu dernière limite, je ne sais plus quoi faire. Si tu tombes dans le conseil, tu vas taper dans ton registre de solutions et dire, est-ce que tu as essayé ça, fait ci et ça ? si tu rentres dans le coaching tu vas questionner pour faire que ton coaché agrandisse son espace solution pour à un moment dire, en fait, c’est ça qu’il faut que je fasse. Toi tu n’as rien fait, j’ai toujours tendance à dire que le coaching est un métier de fainéant, tu n’amènes pas de solutions mais des questions plus ou moins puissantes, qui à un moment, vont permettre à la personne de se dire, OK c’est bon, j’ai le truc
comme un thérapeute, tu es un accompagnant, pour de la performance
Oui, dans ma société, chez SLABB, mon moto c’est side by side, c’est être à côté pas devant pas derrière, c’est juste être à côté. C’est avancer au rythme des personnes et les aider peut-être à certains moments à continuer à avancer, à faire le pas de plus, voire à accélérer si elles sont prêtes à accélérer. Il y a effectivement cette notion d’accompagnement qui est présente.
Et pendant la préparation mentale, c’est une brique à côté, mais qui va reprendre un peu tout ça. La préparation mentale, on pourrait voir ça comme un tabouret à trois pieds, et pour que ça tienne, il faut au moins trois pieds. Le premier pied, c’est estime de soi, confiance en soi. Le deuxième pied c’est gestion des émotions, gestion du stress et le troisième pied, on pourrait dire que c’est tout ce qui va être concentration et reconcentration. Pour amener à ça, il y a plusieurs façons, soit tu es dans du conseil et tu amènes des solutions tu dis, fais cet exo, et on va le faire jusqu’à ce qu’il marche, c’est plutôt une version consulting. Il y a une version coaching aussi qui va être de comprendre, c’est quoi le problème ? Que ce soit un sportif qui vienne te voir, que ce soit quelqu’un issu du business, et on revient à des méthodologies de coaching. Donc en fait on va mixer plusieurs choses dans la préparation mentale, c’est ma définition, on va mixer une approche de coaching, de questionnement, comprendre un peu ce que c’est, et on va amener ce que le sport et la préparation physique a de mieux, on va arriver avec des exercices qui sont simples et qui vont mettre la personne en mouvement, beaucoup plus qu’un coaching où on va échanger, je vais questionner et la personne va me répondre, l’idée de la préparation mentale, très vite, c’est de mettre la personne, c’est quand même pour les sportifs, les deux pieds dans ses baskets, et l’amener à faire des choses sur le terrain, pour l’aider à accélérer sa préparation mentale
une vraie dynamique d’action, de préparation que tu n’as pas forcément sur cette notion de conseil qui peut être une photo à l’instant T, proposer des pistes, la préparation mentale, c’est comment tu mets ce corps, cet esprit en action par rapport à la visualisation, peut-être de la respiration, plein de choses, pour vraiment s’entrainer. C’est cette phase intermédiaire d’entrainement
(communication formation)
C’est exactement ça, c’est cette phase d’entrainement un peu à blanc, tu n’es pas en match ni en avant match, le but n’est pas de faire du conseil à la personne en disant, juste avant le match, tu feras 5 minutes de méditation. Si la personne ne l’a jamais fait, intellectuellement elle le comprend, émotionnellement elle ne sera jamais en capacité de le faire juste avant le moment de vérité dont je parlais, que ce soit un sportif, ou une personne du business, de se dire, avant de rentrer dans la salle, je vais aller respirer trois fois. Si je ne l’ai pas fait avant, si je ne me suis pas entrainé, ça ne devient pas un automatisme et je zappe, je fais autre chose, surtout dans l’état d’esprit aujourd’hui, on pourra en parler, sur comment le cerveau réagit là-dessus, mais il y a ce côté, ça va le faire. Aujourd’hui j’entends de plus en plus de personnes me dire, t’inquiète, c’est compliqué, mais on va y arriver, ça va le faire, et ce ça va le faire, tue dans le cerveau, toute la capacité qu’on aurait à se dire, et si je me prenais 5 minutes pour respirer, pour méditer, et si j’allais faire le tour du pâté de maisons pour m’ouvrir un peu la tête ? Non, je m’y remets, je fais plus de la même chose, si je reviens à cette phrase d’Einstein, la définition même de la folie, cette pensée que faire plus de la même chose ne produira pas les mêmes effets. Je trouve que c’est un peu le piège dans lequel on est aujourd’hui, ça va le faire, je sais que j’ai des problèmes, mais je mets un peu un mouchoir dessus, et je vais essayer d’aller encore plus vite dans ce que je fais en me disant que ça m’aidera à en faire plus dans la journée, et je me reposerai samedi ou dimanche
c’est ce biais de surconfiance, ou cette volonté de ne pas creuser vraiment le problème de peur de ce qu’on va trouver, so far so good
Effectivement, tu as plusieurs solutions. Pour moi le cerveau est une machine tellement complexe, je pense que plein de choses s’empilent, tu as ce fameux biais de surconfiance quand tu es manager, tu as de l’ego qui va venir te parler, tu as ce côté automatisme qui va te dire, je suis un peu fatigué, un peu en mode stress, on ne va pas trop rentrer dans le truc, on va faire ce que je sais faire et si à la fin ça plante, tu vois le vrai sujet quand tu discutes avec les gens, c’est la faute des autres, c’est la faute de , ce n’était pas le bon jour, pas les bonnes personnes dans la salle, ils n’ont pas voulu m’écouter, et du coup ,ça devient assez dur dans le monde de l’entreprise de temps en temps, de travailler une chose que tu connais bien avec le RAID, le GIGN ou les Forces spéciales, de cette remise en question, qu’on voit aussi chez les sportifs. J’ai perdu le match, je me remets en question, je ne dis pas que c’est la faute de l’arbitre, du temps, il faisait trop chaud, trop froid, en face tu avais un adversaire, pour lui aussi il faisait trop chaud, trop froid.
on a tous cette volonté de réduire la dissonance quand on échoue, soit avec un processus de rationalisation soit de projection, et c’est soit remettre la faute sur l’autre, soit sur un sujet. C’est intéressant parce qu’on s’est rencontré avec Pegasus Leadership à Lorient, qui sont des anciens des Forces Spéciales, des commandos marine, et on s’était fait la réflexion quand on avait diné ensemble la première fois, ce qui manquait dans le monde de l’entreprise, c’est qu’on se forme, on performe, mais il n’y a pas cet entre-deux d’entrainement, que les Forces Spéciales ont au quotidien, ils ne font que ça, s’entrainer, quasiment et qu’on va retrouver dans ta discipline qui est la préparation mentale. C’est bien ça ?
Oui, qu’on retrouve aussi chez les sportifs. C’est un truc que je trouve toujours intéressant, dans le monde de l’entreprise, quand tu fais venir des speakers, aujourd’hui, l’armée, la police, les sportifs sont des gens qu’on adore voir ou même les grands chefs de cuisine, ce sont des gens qu’on adore écouter, dans le monde de l’entreprise. Le point c’est que tous ces gens-là , il y a une énorme phase d’entrainement, et une énorme phase de retour d’expérience, que ce soit dans le sport, dans les forces spéciales, dans la police ou même dans la cuisine, tu as fait un service dans la cuisine, un quart d’heure après la fin du service, tu échanges, ça s’est bien ou mal passé, qu’est-ce qu’il s’est passé à tel moment, qu’est-ce qui a fait qu’on a mal communiqué, etc.
tu fais des gammes des centaines de fois, des milliers de fois, tu t’entraines. Le parallèle que je fais généralement avec le sport, le tennis, c’est pauvre en coup un coup droit, un revers, un service, mais en fait tu vois les gens qui s’entrainent, ils ne font que ça, tu n’as pas une palette, c’est difficile, les coups tu peux les résumer à quelques coups, mais ce n’est que l’entrainement qui te permet de sublimer, tu n’es pas comme sur d’autres disciplines, ou même sur une négo, ou ton métier d’accompagnement où tu vas avoir des centaines de milliers de situations. Bien évidemment au tennis c’est fonction de la balle, du terrain et pas mal d’indicateurs, c’est compliqué, ou la boxe, mais ils passent leur vie à s’entrainer sur ces fondamentaux
C’est ça, tu as dit les bons mots, s’entrainer sur les fondamentaux. Quels sont les fondamentaux aujourd’hui du leadership dans un monde en perpétuelle accélération, et qui devient assez chaotique. Soit tu te dis, je vais essayer d’acheter le nouveau truc à la mode et le marketing est assez doué dans le monde du leadership, il y a toujours quelqu’un pour t’écrire un nouveau bouquin sur quelque chose d’un peu nouveau, il y a une nouvelle couleur, une nouvelle habitude, un nouveau machin, l’idée, quand tu reviens sur le monde militaire ou sur les sportifs, ce sont les fondamentaux. Quels sont les fondamentaux dans le monde de l’entreprise, ça devrait être la même chose . Pour moi les fondamentaux, quelque part il y en aura trois, c’est un, le sens, le sens que je mets dans mes actions, à court, moyen et long terme, et comment je le retranscris à mes équipiers. Le deuxième c’est l’action, comment j’agis, comment nous agissons ensemble, de manière performante. Et le troisième c’est cette histoire de sécurité, c’est-à-dire comment je m’assure que dans l’environnement dans lequel j’évolue, je mets en place des systèmes qui vont augmenter la sécurité psychologique.
Est-ce qu’on peut creuser sur cette notion de sécurité, de mémoire tu l’avais alliée à cette notion de confiance, la confiance ne peut s’exprimer que dans un environnement de sécurité, c’est ma définition, la confiance, c’est un sentiment de vulnérabilité et d’interdépendance à l’autre, c’est-à-dire que tout ce qui manque, c’est cette notion de sécurité. Est-ce que tu peux nous donner quelques points pour pouvoir agir en sécurité ou faire agir ses collaborateurs en sécurité
Je pense que ce point, j’ai longtemps réfléchi à cette histoire de confiance, et tout le monde en parle, c’est un mot qu’on utilise, peut-être trop d’ailleurs, qui fait vendre, qui a perdu un peu de sa saveur, et j’en ai pas mal parlé, notamment dans le monde militaire, en discutant avec les gens de Pegasus notamment, en disant, quand tu dis il faut avoir confiance, OK, une fois que tu as dit ça, tu n’as pas dit grand-chose, qu’est-ce qu’il y a derrière ? Et en creusant les aspects de neurobiologie sur la confiance, les travaux de de Paul Zak sur la cytosine, en disant que la cytosine et l’hormone de la confiance, et que du coup, quand elle se sécrète, on a une tendance à avoir plus confiance dans les gens qui nous entourent ou dans sa propre capacité à gérer une situation, il a fait plein d’expériences assez rigolotes là-dessus, tu te dis que derrière cette histoire de confiance, il y a de la sécurité psychologique. Et pour moi la sécurité psychologique, il y a deux grandes personnes qui en parlent, il y a Amy Edmondson qui en parle beaucoup, qui a écrit des livres sur psychological safety, et il y a Paul Zak qui a écrit dessus, et je vais reprendre un peu les travaux de Paul Zak, je m’en suis fait une vision que je trouve intéressante. La sécurité psychologique, c’est 4 choses, un, la compétence. Typiquement demain tu vas chez le dentiste, c’est son remplaçant, le type bégaie un peu, il fait tomber ses outils, tu lui dis que tu as mal à une dent à droite, il regarde à gauche, et il commence à fraiser à gauche, je ne suis pas sûr que tu sois très safe et donc très en confiance. Le premier sujet pour moi, c’est la compétence, est-ce que la personne avec qui tu vas causer, a la compétence. Chez les militaires, c’est assez simple, ils s’entrainent là-dessus, tu sais que quand quelqu’un watch my back, tu ne te dis pas, est-ce qu’il sait bien tirer, est-ce qu’il voit bien la nuit ? Tout ça a été calé.
Le deuxième, C, c’est ce que Paul Zak appelle la consistency, c’est-à-dire la capacité à se connaitre les uns les autres, on pourrait même l’induire avec la capacité à se connaitre tout seul, est-ce que je suis en capacité de générer de la sécurité psychologique pour moi-même, mais dans une équipe, est-ce qu’on se connait les uns les autres. Tous les travaux qu’il y a souvent dans les équipes de direction ou les équipes, on peut se dire, on va faire des questionnaires de personnalité, Hogan, DISC, tout ce que tu voudras, c’est un cheval de Troie pour essayer de se parler de soi-même et de se dire comment on fonctionne, à quel moment tu vrilles, qu’est-ce que tu aimes dans la vie, comment tu aimes fonctionner, est-ce que tu es plutôt analytique, plutôt extraverti, plutôt introverti ? C’est tous ces sujets qu’on va aller chercher dans cette histoire de consistency, et qu’on retrouve beaucoup dans le monde militaire et dans le monde du sport. C’est cette mise au vert, la mise au vert n’est pas tellement tactique, elle est pour aider les gens à se parler, à échanger pour construire ces fameux liens dont tu parlais, qui vont faire que dans les moments de vérité, je te passerai le ballon, quel que soit le sport. Je serai prêt, et ce n’est pas une question de tactique de stratégie, c’est une question de se connaitre les uns les autres.
De se faire confiance indirectement dans cette connaissance ?
À partir du moment où tu vas augmenter la connaissance de l’autre, je vais soit avoir plus confiance en toi, soit je n’ai pas envie de travailler avec toi, mais globalement le fait de mieux se connaitre les uns les autres, de mieux comprendre comment tu fonctionnes, va m’aider à avoir plus confiance en toi, et savoir qu’est-ce que je peux te déléguer comme travail, dans quel moment je peux venir te voir, à quel moment je sais que tu ne seras pas forcément la bonne personne, donc ça ne sert à rien de mon côté de pousser en disant, si, si je vais aller voir Julien, ça va le faire, non justement ça ne va pas le faire dans ce moment-là.
Ces deux C, compétence et Consistency, c’est beaucoup ce qu’on travaille dans les entreprises, est-ce que la personne a les compétences, sinon on la forme, de plusieurs manières. Consistency, OK on va bosser là-dessus en collectif, ou en individuel, avec du questionnaire de personnalité et d’autres choses.
Les deux C qui restent sont plus difficiles à travailler, et ils sont souvent un peu mis de côté dans le monde de l’entreprise. Le troisième C c’est Care, donc ça va être ma capacité à, quand je te dis est-ce que ça va Julien, j’attends réellement une réponse, et, quelle que soit la réponse, on va travailler ensemble dessus
C’est l’authenticité dans la relation à l’autre, c’est le fait de se soucier littéralement de l’autre
Oui c’est le fait de se soucier de l’autre, d’avoir une réelle empathie quand on va se parler. Et je trouvais que ce Care, on l’a beaucoup eu dans les premiers mois du covid, quand on s’est tous retrouvé par Teams, Zoom, Google, tout ce que tu voudras, et qu’on se posait cette question, de, et toi tu es où ? Et comment tu vas ? Et que les gens, pour certains pour la première fois de leur vie ont pu s’ouvrir en disant, je suis chez moi dans un petit appart, j’ai mes deux enfants, c’est compliqué, attends, si tu veux, on se rappelle plus tard. Ce qu’on n’avait pas avant, parce qu’avant on se retrouve au boulot, on avait des masques, et le pro c’est le pro, et le perso, c’est le perso dans certaines équipes, et donc on n’avait pas ce Care. Et je me suis dit, pendant ces premiers mois où j’ai beaucoup bossé sur des cellules de crise et d’autres choses, je me suis dit, tiens on y est, on travaille ce care qui fait qu’on augmente la sécurité psychologique donc on va augmenter quelque part notre capacité à se dire les bonnes choses, et donc à mieux performer. Et je trouve qu’on a un peu repris nos anciennes habitudes, on l’a un peu perdu, tu arrives dans les boites aujourd’hui, et je me suis toujours dit, les gens te disent, ça va ? Et si je disais non, il se passe quoi ? Tu vois que ce ça va est un ça va un peu… c’est devenu une norme, pas une façade parce qu’on pourrait mal le prendre, mais comme je te dis bonjour Julien, je te dis ça va ? Et on passe. Et ce care pour moi, ça reste, dans beaucoup d’entreprises aujourd’hui, ça reste la boite de pandore, si je te demande comment ça va, si tu vas bien, est-ce que c’est du busines, est-ce que ça a réellement lieu d’être dans le monde du business. Et si tu me dis non, est-ce que j’ai le temps ou je n’ai pas forcément envie de prendre le temps qu’on en discute, et je veux que ce soit transactionnel. Et pour moi ce care amène le côté transformationnel, de la relation, si vraiment on prend ce temps de se parler, de se dire, oui ça va, j’ai des soucis, mais je ne vais pas t’embêter avec, mais sache qu’aujourd’hui ce n’est pas la bonne journée, est-ce qu’on peut remettre ça à demain, je vais créer quelque chose qui va faire que dans le temps, notre relation va s’améliorer, et elle pourra amener de la performance. Et depuis tout petit, on n’est pas formé à ça, il y a beaucoup d’articles qui sortent sur, faut-il mettre l’empathie à l’école, etc., ce n’est pas notre mode de fonctionnement, donc le care, le vrai, il n’est pas si facile que ça. On le trouve dans beaucoup de modèles de leadership d’entreprise, où on se dit OK le care, est-ce qu’il existe vraiment, est-ce qu’on le met réellement en place ? Je dirais qu’aujourd’hui il y a une entreprise dans laquelle je le vois vraiment, où il y a une vraie culture du care, c’est Michelin où leur modèle de leadership s’appelle I care, et tu le vois sincèrement, ça reste pour moi une boite profondément humaine avec des gens qui ont cette envie de connaitre l’autre, de discuter, d’échanger, de se dire, il faudra peut-être que je modifie ma façon d’être, d’agir, par rapport à ce que l’autre va me dire. Et il y a des boites où, c’est un mot sur un papier ou un mur, et on va passer à autre chose.
Et le quatrième C chez Paul Zak, c’est cette notion de Candide, de candeur. C’est-à-dire la capacité à se dire les choses telles qu’elles sont, et là encore, les gens qu’on fait venir en entreprise parce qu’on aime les avoir, les militaires, les grands chefs et les sportifs, la notion de candeur, ce que Kim Scott appelle dans son bouquin the radical candor, tu l’as là vraiment, ce sont des gens qui vont te parler vrai, qui vont te dire les choses telles qu’elles sont en te disant, là Benoit tu as merdé, je t’explique pourquoi, et ça m’a plu ou pas.
tu peux rapprocher l’assertivité à cette notion de candeur ?
Oui complètement, c’est cette notion d’assertivité qui…
J’ai entendu un podcast où la personne dit, on a un super mot pour parler de ça en français, l’assertivité, mais c’est l’assertiveness, ce n’est pas du tout un mot français
Pour moi le mot assertivité, il n’est pas si facile que ça à définir, en disant, il y a 4 modes de fonctionnement, la passivité, l’agressivité, la manipulation et l’assertivité, quand tu as défini ça avec les gens, tu leur dis, être assertif, c’est avoir le bon ton, pouvoir dire les choses telles qu’elles sont, sans forcément monter le ton, et je suis d’accord avec toi, cette notion de candeur, c’est peut-être le mot, ou moi, elle amène ce côté un peu de fraicheur, assertivité, je trouve que c’est un mot très carré, un peu méthodique, un peu difficile. Le mot candeur, ça fait un peu enfantin, et ça peut nous manquer un peu.
Si on revient à ce mot, c’est vraiment cette capacité à se dire les choses, et pareil dans le sport, on se dit les choses, la troisième mi-temps, la mi-temps, il y a toujours ces moments où le coach parle, il y a toujours ces vidéos qu’on peut voir de France 98 avec Aimé Jaquet qui cause et on se dit, si on pouvait faire ça en entreprise, de temps en temps !
sur une définition de candeur, comportement simple et sincère
Oui c’est intéressant, parce que ça amène ce côté simple. Assertivité, de temps en temps ce mot, tu te dis, il y a plein de choses derrière, ça va être compliqué à mettre en œuvre ! le côté candeur pour moi, c’est cette capacité qu’on va avoir à la fin d’une réunion, en deux minutes, à dire, oh les gars, on l’a trouvée comment cette réunion ? Elle était bien ? On s’est emmerdé ? On a tapé les points qu’on voulait taper, on a atteint l’objectif ou tiens, c’était bien au début, et vers la fin, ça nous a tous saoulés mais personne n’a osé le dire ? Là on va se le dire. Et ça, je trouve qu’aujourd’hui, ces deux mots, care et candide, si on doit bosser sur des choses, c’est là-dessus, qui sont plus soft, donc plus difficiles à travailler que la compétence, et le côté consistency, comment on travaille le care et le candide, comment on se dit tout ça ?
ça semble montrer que ce qui peut manquer, c’est juste de la bienveillance envers l’autre
Ce mot bienveillance, j’en ai discuté avec un amiral il y a quelque temps qui disait, la bienveillance, c’est veiller bien. Au début je me suis dit, tiens, et quand tu creuses un peu, effectivement, c’est ce qu’on fait avec nos enfants. C’est-à-dire qu’à des moments tu vas les aider, leur tenir la main, tu vas un peu les pousser, leur montrer tout l’amour que tu as pour eux pour les aider à avancer, et à un moment donné, il faut savoir dire non, il faut savoir dire stop. C’est ce que tu retrouves en coaching, cette histoire de permission et de protection qui donne la puissance, à un moment il faut savoir dire non, c’est la protection, si tu fais ça, voilà les risques que tu peux prendre, je n’ai pas envie que tu les prennes. Ce ne sont pas des moments faciles, mais on le fait à la maison avec nos enfants, avec son conjoint, sa conjointe, et en entreprise, il y a un peu ce côté, est-ce à moi de le dire ? Je ne suis pas le chef, c’est peut-être au chef de le dire. Le chef ne peut pas endosser toutes les casquettes c’est peut-être à l’équipe de se le dire, et moi je trouve que ce sont des attitudes qu’il faut arriver à développer, et pour moi la seule façon de le développer, c’est comment tu crées des artefacts, comment tu crées des rituels qui vont te permettre de dire, à quel moment on peut se dire les choses. Parce que c’est facile de dire, dès que tu auras un truc à me dire, tu me le dis, ouais sauf que quand, à quel moment, j’estime peut-être que moi c’est le bon moment pour te le dire, mais je lis sur ton visage que peut-être ce n’est pas le bon moment, mais comme je n’ose pas avoir cette candeur pour te dire, eh dis donc Julien, j’ai un truc un peu difficile à te dire, est-ce le bon moment ? Je ne la pose pas cette question, et je me dis, je le ferai plus tard, et on ne le fait jamais.
et tu rumines
Oui tu vas ruminer, et à un moment donné, ce côté rumination va t’amener du stress, de la colère, qui fait que dans ton moment de vérité, tu n’auras pas la meilleure performance. Donc pour moi vraiment cette histoire de care et de candide, je trouve que c’est vraiment des sujets sur lesquels il faut passer du temps, et se dire, pour notre équipe, qu’est-ce que ça veut dire, quelle est la définition que nous on souhaite y mettre par rapport au contexte qu’on a et aux gens que j’ai dans l’équipe, et à quel moment on va réellement faire quelque chose, à quel moment je pose un rituel, à quel moment je pose un artefact qui fait que. C’est le RETEX chez les militaires, c’est la troisième mi-temps, c’est… En entreprise, on a toujours ce côté, ah oui on fait des post-mortem, et c’est vrai, on fait des post-mortem quand un projet se passe mal, est-ce qu’on peut en faire quand le projet s’est bien passé ? on peut déjà se dire de belles choses, et se dire, de manière candide, là on pourrait améliorer, on pourrait faire que, pour que le jour où ça part en cacahuète, ce soit plus simple à se dire, parce que le jour où ça part en cacahuète, c’est plutôt, je suis stressé, et comme je suis stressé, le but du jeu c’est ma survie individuelle, et pas collective, et donc j’ai mis les barrières, et je vais essayer de m’assurer que je me protège
et c’est pour trouver un coupable, dans le monde de l’entreprise, à l’inverse de ce que Pegasus recommande, en tout cas c’est ce qu’on retrouve dans les militaires, ce n’est pas nameless, et rankless, c’est tout l’inverse, tu as le patron qui est là pour trouver un nom, qu’est-ce qui fait que ça a merdé ?
Oui et souvent c’est fait sans aucune malveillance, c’est tellement dur aujourd’hui d’être dirigeant, patron d’équipe ou membre d’une équipe, avec tout ce qu’il se passe, que de temps en temps, cette envie de couper court et de dire, c’était qui qui était en charge de ce projet ? C’était toi, bon, voilà, je te crucifie, c’est beaucoup plus simple, et on passe au problème d’après, plutôt que de se dire, pourquoi Julien tu n’es pas venu me voir pour m’en parler ? Parce que j’ai cru que tu savais, ah OK, donc il faut qu’on trouve pourquoi tu as cru que je savais, parce que la prochaine fois sinon on aura le même problème . donc on n’est que là-dessus, la performance à un moment donné, c’est optimiser le mental et la méthode, donc à quel moment il faut qu’on optimise nos processus, ou qu’on optimise nos modes de communication pour s’assurer que la prochaine fois le problème ne se reproduira pas
ce qu’on commence à trouver, il me semble, dans le monde de l’entreprise, c’est cette différenciation entre la faute et le droit à l’erreur, parce que tu ne peux mener ce genre de débrief, que si tu accordes ce droit à l’erreur, ce droit de se tromper. Et paradoxalement, si tu n’as pas ce droit à l’erreur, tu ne peux pas innover
On revient à, permission et protection donnent de la puissance. Permission c’est, je te donne le droit à l’erreur, donc soit c’est écrit sur un mur, une feuille, dans un cahier, en disant, chez nous, vous avez le droit à l’erreur, soit j’ai des rituels, des artefacts, qui me permettent de manière explicite ou implicite, de voir que c’est vrai. Parce que si tu dis, vous avez le droit à l’erreur, et que la première fois les types se plantent sur un micro point et qu’ils se font un peu dézinguer en réunion, ton cerveau se dit, le droit à l’erreur est écrit sur un papier, mais en fait ce n’est pas la vraie vie, donc je vais arrêter, et ne plus le faire, et je vais faire un mail, copie à 14 personnes, etc. comme ça je pourrai dire à la fin, les gars, je vous l’avais envoyé le mail.
Tous ces mots qu’on entend de plus en plus aujourd’hui, le droit à l’erreur, faire des fautes, qui sont aussi poussées par les méthodes agiles, qui fonctionnent comme ça, est-ce une réalité dans le monde de l’entreprise, dans certaines, est-ce que j’ai le droit ? et plus on va en discuter, et plus on aura cette notion de care et de candide qui va se mettre en place, plus ma sécurité psychologique augmente, donc plus je suis en sécurité plus j’ai envie d’innover, de tenter des choses, d’essayer, et on verra. Si je n’ai pas ça, je reste sur ce que je sais faire, sur mon périmètre, dans un monde qui évolue tellement vite aujourd’hui, que je deviens très vite obsolète sur ma façon de penser
on peut revenir sur ce début de conversation, tu es rentré sur ces trois piliers de la préparation mentale, j’allais te poser la question avec ironie, est-ce que la prépa mentale n’est adressée qu’aux sportifs de haut niveau ou des militaires, mais on voit bien l’impact que ça peut avoir dans l’entreprise. Si je suis manager, ou si je suis tout seul, tu as levé trois piliers, estime de soi, gestion des émotions, concentration, est-ce que tu peux nous donner des détails, nous donner des tips pour le toucher peut-être juste du bout des doigts?
Pour revenir à ton début de question, est-ce que ça ne s’utilise qu’avec des sportifs, ou des militaires, ou des gens qui ont de hautes responsabilités, non, aujourd’hui je trouve que la préparation mentale, on en ferait un peu plus chez les enfants, à l’école, ou même dans le sport hors compétition, travailler l’estime de soi, qui est souvent plus basse, sans rentrer dans un débat de genre, on voit souvent que l’estime de soi est souvent plus basse chez les femmes que chez les hommes. Travailler cette histoire de confiance en soi, l’estime de soi, je suis une belle personne, et j’ai le droit d’exister dans ce monde. Et la confiance en soi, j’estime que j’ai la capacité à faire plein de choses, toutes les actions qu’on me demande de faire, ou que j’ai envie de faire, et je suis assez confiant pour pouvoir les faire. Comment on va travailler ce premier sujet, c’est travailler du renforcement par du discours interne, et se dire, ben oui, si on prend les enfants, c’est ce côté, je ne suis pas sûr que demain, sur mon interro de maths, j’aurai une bonne note. On est en train de travailler la confiance en soi, donc soit on est sur, écoute chéri, il est tard, si tu as fait tous tes exos, tu peux y aller, et au pire on va lui dire, refais un exo, comme ça tu seras bien. On revient dans la phrase d’Einstein, faire plus de la même chose, ça produira le même effet, le sujet n’est pas là, le sujet c’est, est-ce qu’on va pouvoir passer un peu de temps, et notamment avec du coaching pour se dire, qu’est-ce qui fait que tu es dans cet état-là ? Qu’est-ce qui pourrait faire, qui ferait que demain tu arrives et tu te dis, je suis au top ?
j’ai peur de ne pas savoir, d’avoir la feuille blanche
Et en quoi cette feuille blanche c’est un problème pour toi ?
parce que je pense que je ne pourrai pas répondre à l’interrogation et donc ne pas avoir une bonne note
Est-ce que ne pas avoir une bonne note est un problème pour toi ?
Ça veut dire que je suis nul
Et là on y est, c’est le vrai sujet. Ou tu vas avoir des gens qui vont dire, si j’ai une mauvaise note, tu vas m’engueuler. Perception, où est-ce que tu t’estimes sur une échelle de 0 à 100, tu penses avoir quelle note ? Soit tu as encore du biais de surconfiance en disant, j’aurai 20/20, soit tu as des enfants qui vont dire, je suis sûr d’avoir 4. Quelle note tu aimerais avoir ? Qu’est-ce qu’il faudrait que tu fasses pour avoir cette note que tu voudrais avoir ? Et par le questionnement, tu vas les aider à résoudre, à dissoudre leur problème par eux-mêmes. Pour moi c’est un des premiers sujets sur lequel il est intéressant de travailler, et on a une tendance avec nos enfants à aller trop vite, à dire, mais si, t’inquiètes, ça va bien se passer, tu sais moi à ton âge, j’avais les mêmes problèmes, et regardes où j’en suis, ça s’est bien passé, ça n’aide pas, c’est bienveillant, mais ça n’aide pas. Donc toute l’idée qu’il y a derrière, c’est aussi de se dire, par le questionnement, de pouvoir travailler et d’amener à cette confiance, et par l’entrainement, des petites choses toutes simples, dire, ton exo de math , tu y es arrivé, super intéressant. Tu sais ce qu’on va faire, le prochain exo de math, en combien de temps tu penses pouvoir le faire ? 4 minutes, OK, on fait partir le chrono, et on y va. Et à un moment donné, tu vas voir tes enfants qui vont dire, j’ai mis 4,12 minutes, je n’étais pas loin ! Déjà tu as bien timé, et tu n’étais pas loin, on s’en refait un, un peu différent pour voir si tu peux descendre ou si tu mets un peu plus. Et moi je ne fais rien, c’est ma fille qui va petit à petit se dire, c’est moi qui décide, c’est moi qui fixe les barrières, donc quelque part, permission et protection me donnent cette puissance, cette confiance.
Sur l’histoire de la gestion des émotions et de la gestion du stress, on pourrait en faire tout un podcast, pour moi il y a un sujet qui devient hyper important, et j’encourage nos auditeurs à lire le bouquin Perform Under pressure de Ceri Evans, qui est l’ancien préparateur mental des All Blacks, et qui a été le préparateur mental personnel d’Arsène Wenger, et lire les bouquins de Jacques Fradin sur l’intelligence du stress, qui est un livre magique. C’est là où c’est intéressant, c’est d’aller travailler avec des dirigeants, mais pareil avec ses enfants ou ses collègues, de se dire, comment on va travailler notre stressabilité. Il y a une phrase que j’adore et que j’ai travaillée quand j’ai travaillé avec Jacques Fradin à l’INC en formation, qui est de dire, le stress est au mental ce que la douleur est au physique, un signal. Tu as mal aux genoux, tu t’arrêtes de courir, tu essaies de bouger un peu, et si ça va mieux, tu repars, et si ça ne va pas, tu t’arrêtes, et tu vas passer une radio, une IRM, etc., quand les gens sont stressés, ils font l’inverse, je suis stressé, en même temps je vais téléphoner, je vais finir mes mails, parce que je vais faire plus, plus, plus de la même chose, c’est comme si j’essayais de courir plus vite avec un genou qui me fait mal. Et les gens te disent, mais j’ai plus de boulot, il faut vraiment que je finisse. Mais si tu es stressé, c’est que ton cerveau est en train de résoudre le mauvais problème. Je te prends un exemple, tu es dans un embouteillage, tu as une grosse réunion avec ton patron, avec des investisseurs, etc., tu vas arriver en retard, et tu stresses. Pourquoi tu stresses ? Parce que ton cerveau essaie de résoudre le problème suivant, comment arriver à l’heure ? Oui, sauf que ton cerveau limbique essaie de gérer ce problème par une vision du passé, est-ce qu’il n’y a pas une petite route que je pourrais prendre, c’est qui tous ces cons qui sont sur la route, sachant que tu fais partie des cons qui sont sur la route. Et ton cortex préfrontal voudrait résoudre le problème, comment avoir de l’impact, sachant que je vais arriver avec une demi-heure de retard, les gens seront peut-être énervés, ma présentation qui devait durer une heure, il va falloir que je fasse autre chose, je ne peux pas juste la démarrer et parler plus vite, on revient sur la phrase d’Einstein, donc comment je pourrais avoir de l’impact en une demi-heure au lieu d’une heure ? Ça, c’est un problème que ton cortex préfrontal adorerait résoudre, sauf que comme il n’a pas la main, et que ton limbique essaie de résoudre comment arriver à l’heure, la seule chose que fait ton préfrontal, quelque part, c’est de déclencher du stress pour faire un peu un shutdown du système et te dire là je suis en train de rebooter la machine, sauf qu’on ne l’utilise pas comme ça, on se dit, je suis stressé, c’est normal, tout le monde dans ma situation serait stressé.
on ne le voit pas comme un signal
Non, on le voit comme une conséquence, sur laquelle, pour revenir sur la préparation mentale, on peut travailler à deux niveaux. On peut travailler les conséquences du stress, on peut travailler la respiration, qui va te permettre en trois respirations de descendre un petit peu, on va pouvoir travailler ce qui se fait chez Pegasus aussi avec Christophe, des techniques d’optimisation du potentiel, ce que fait Édith, pour travailler tout ça. Et on peut aussi travailler les causes, c’est-à-dire que je peux travailler ma stressabilité, je peux commencer à me dire, finalement pourquoi je stresse, le stress est en train d’arriver, je vais travailler la cause, j’ai peut-être mis trop d’exigence, et je n’ai pas assez de moyens pour le résoudre. Je suis peut-être en train de me faire un schéma mental où je me dis, c’est blanc ou c’est noir. Ou alors, Ceri Evans en parle dans son livre, un petit exercice très simple de dire, quand tu as un gros event à travailler, il y a ce que je contrôle, ce que je ne contrôle pas, là on est dans le blanc et noir, et Ceri Evans dit, tracez un troisième cercle, qu’est-ce que vous pouvez influencer, peut-être que je n’ai pas de contrôle sur le nombre de participants qu’il va y avoir à la réunion, par contre, je pourrais influencer, je pourrais peut-être les nugger un petit peu, pour que quand ils arrivent en réunion, ils aient déjà un esprit positif, ou un avis favorable sur ma présentation, sur mon sujet. Et ça, ça va me permettre de préfrontaliser, et donc de diminuer ma stressabilité, diminuer mon stress
comme mettre des mots sur les émotions qui permettent de diminuer l’intensité émotionnelle, le fait de mettre des mots sur les causes de ton stress, ou de comprendre ce qui se joue, te permet de gagner en lucidité et de diminuer l’intensité de ce niveau de stress
Oui, et vraiment d’un point de vue biologique, de passer, de préfrontaliser, et d’avoir cette bascule qui te fait passer d’un mode de pensée, si on revient à Daniel Kahneman, système 1 système 2, qui passe de système 1, très limbique, très automatique du, ça a toujours été comme ça, et de toute façon je vais me planter, bon OK, à un cortex préfrontal qui va dire, tiens c’est curieux, ce n’est pas si noir ou blanc, il y a de la nuance, de la réflexion, mon image sociale, point intéressant qu’on pourrait ramener à la confiance, mon image sociale, je la modifie en opinion personnelle, donc je sors du groupe thinking pour rentrer dans l’opinion personnelle, tout ça, ce sont des systèmes qui biologiquement vont faire travailler d’autres zones du cerveau pour t’aider à être plus lucide, plus calme, plus détendu, ce qui fait que dans les moments de vérité tu auras la bonne perf puisque tu es capable de lire ton auditoire, tu es capable de te dire, au fond de la salle, il y a le patron de machin qui commence à cligner des yeux, je vais lui poser une question. Est-ce que vous comprenez bien ce que je dis, est-ce assez clair, voulez-vous un exemple ? Et là tu as marqué des points. Si tu ne le vois pas tout ça, à la fin de la réunion il vient te voir pour te dire avec un côté candide, je n’ai pas très bien compris, tu ne vas pas te dire, je n’ai pas été bon, si tu es quelqu’un qui n’a pas confiance en lui, oui tu vas te dire, je n’ai pas été bon, mais beaucoup de gens se diront, il n’a pas compris, donc je ne me remets pas en question, donc je ne progresse pas
tu m’avais donné un tip que j’avais trouvé très simple, et quand c’est efficace, c’est simple, c’était cette notion de « ou pas »
Oui c’est un exo que j’adore et que j’adore faire avec mes enfants, c’est cette capacité à créer ce qu’on appelle un bogue limbique, c’est-à-dire à faire boguer ton cerveau pour le faire passer en préfrontal. Et très vite, quand on est sous pression, sous stress, on a un discours interne qui est souvent négatif, ça ne va pas marcher, ça ne va pas le faire, j’étais sûr qu’il me poserait cette question et je ne suis pas prêt, etc. c’est toujours intéressant d’avoir cette petite phrase qui va t’aider à prendre de la hauteur, à être plus curieux, de se dire, là je ne vais pas y arriver, ou pas. Comment ça ou pas ? Oui, tiens, ou pas, je pourrais peut-être y arriver. Et là, ça y est, j’ai créé une faille dans le mur, après, il faut avoir l’énergie et l’envie d’agrandir la faille, mais c’est, je trouve, une petite technique qui fonctionne bien, tout comme la technique de parler de soi à la troisième personne, c’est-à-dire que ma petite voix me dit, je ne vais pas y arriver, c’est dur, tiens, Benoit est en train de se dire qu’il ne va pas y arriver. Comme je parle à la troisième personne, j’ai pris de la hauteur, et dans mon cerveau, je me dis attends… c’est un peu ce côté méta, et de se dire, qu’est-ce que tu lui dirais à Benoit là ? Et tac, la machine s’enclenche, on revient dans du coaching, la machine se réenclenche, et on peut vraiment travailler là-dessus.
Et le dernier sujet sur tout ce qui est concentration, reconcentration, pour moi il y a deux façons de le travailler ou de le retravailler, de faire des petits exercices de concentration, il y a plein de petits jeux, de petites choses pour s’aider à travailler cette concentration. Travailler sa méditation, c’est-à-dire apprendre à devenir focus, Ceri Evans en parle pas mal dans son livre. Plus on va être stressé, plus on va faire ce que Ceri Evans appelle un split d’attention, c’est-à-dire qu’on va être soi dans le passé, j’aurais dû bosser plus hier, donc soit je suis dans les regrets, soit je suis dans la peur, je me projette dans le futur, et dans le futur, je vais être dans, du coup ils vont penser ci et ça, j’aurais dû mieux préparer, et je suis en train d’imaginer, et mon stress ne va faire qu’augmenter puisque mon cerveau n’est pas capable de penser au futur et de connaitre le futur sinon il faut changer de métier, et on gagnera beaucoup d’argent. Donc ce split d’attention nous empêche d’être concentrés , on reprend le tennis, je rentre sur le court, je rate un peu quelques balles, je suis le numéro 5 mondial, et je joue le 200e mondial, et je commence à perdre, soit je me dis, j’aurais dû plus étudier le système, les phénomènes, j’aurais dû plus étudier mon adversaire, soit je suis dans le futur en me disant que va penser la presse demain, je vais me faire étriller dans les journaux. Et là, c’est mort, c’est fini, globalement mon match je vais le perdre, alors que si j’arrive à me refocusser, à me reconcentrer, sur un truc qui est hyper important, dont parle Ceri Evans, c’est se focusser sur la tâche. Le but ce n’est pas de se focusser sur moi, mon ego, ce que je pense, mais qu’est-ce que j’ai à faire. Ce que ce que j’ai à faire on l’a préparé pendant les entrainements, en face, il est moins bon sur son revers, je vais jouer revers, et je vois ce que ça donne et je me focusse sur la tâche.
dans le moment présent, dans le moment juste
Oui
ça me fait penser à ce que tu retrouves dans la philosophie indienne, quand les gens n’arrivent pas à faire quelque chose, soit ils sont sur un système de culpabilité, j’aurais pu, j’aurais dû, je n’ai pas pu, ou ce n’est pas ma faute, c’est la situation, ça va être le karma, à l’autre extrême, pas de chance. Et en fait c’est plus cette notion centrale de ce qui est juste, qu’ils appellent le dharma, qui est entre la culpabilité et le karma, qui est de dire, ce qui arrive, arrive, et maintenant qu’est-ce que j’en fais ?
Oui et pour moi le qu’est-ce que j’en fais, ce qui arrive, arrive, mais je m’y suis préparé, et je m’y suis tellement bien préparé que quelque part… je reviens toujours là-dessus, souvent plein de gens me disent oui on est agile, ne t’inquiète pas, on sera réactif, et je leur dis, ce n’est pas de l’agilité, c’est de l’improvisation, parce que le cerveau dans son mode stress, passe de 135 degrés à 40 degrés de vision, je ne vois plus ce qu’il se passe autour, je suis focussé sur moi, je suis en train de transpirer, est-ce que je parle trop vite ou pas assez vite, etc., et on a beau se dire que c’est de l’agilité, pour moi c’est de l’impro. La seule façon d’être agile, c’est de s’être préparé, et donc étant préparé, je suis adaptable, si je suis adaptable, je deviens agile. Ce n’est que ma version mais je trouve que cet art de la préparation, il est super important, et donc il est important, à la fois sur de la méthode, comment préparer une grande réunion, et à la fois sur le mental, de se dire, maintenant que j’ai préparé la méthode, comment mentalement je m’y prépare. Imaginons que le début de la réunion le client gueule, parce que la veille on ne lui a pas livré son produit ou je ne sais quoi et il démarre comme ça. Qu’est-ce que je fais ? Comment j’agis ? Là si je me connais bien, je vais me dire, mes valeurs, c’est ça et ça, OK, on pourra peut-être faire ça ou ça, et ce qui va se passer le lendemain ça ne sera forcément pas ce que j’ai préparé, mais ça se rapprochera. Donc quelque part mon cerveau aura eu cette capacité à s’adapter, à aller plus vite, et donc à avoir, on l’espère, la bonne réponse en face
c’est ce qu’on retrouve dans la préparation qu’on appelle des analyses pré mortem, que toi tu retrouves chez Pegasus avec les cas conformes, cas non conformes, c’est apporter des réponses à des problèmes qui n’ont pas encore eu lieu, et qui permettent cette agilité et qui demandent un petit travail en amont. C’est passionnant, on pourrait en parler des heures
Et plus on va s’entrainer, plus l’entrainement devient simple, quelque part, plus on a l’impression qu’on ne s’entraine plus, c’est-à-dire que ça devient normal, ce travail de « ou pas », je le fais dans ma tête sans même y penser, ce petit travail de méta, je m’y mets alors que je suis déjà dans la réunion. Un peu comme un joueur de tennis, à un moment, l’entrainement sur les fondamentaux est là, donc je n’ai plus l’impression de travailler, sauf que je suis arrivé à un tel niveau de préparation que je prépare tout le temps, et c’est ça que les gens peuvent confondre un peu avec, j’improvise, et j’y vais un peu les mains dans les poches, non, il y a des gens qu’on ne voit pas se préparer, sauf qu’ils se sont préparés depuis des années et ça s’est dilué dans la journée, ils n’ont pas besoin de poser une réunion pour se préparer.
pour finir le podcast, si le Benoit d’aujourd’hui rencontrait le Benoit d’il y a 20 ans, quel conseil lui donnerais-tu ?
Je pense que j’aurais deux conseils. Le premier, c’est d’avoir commencé tout ce travail sur moi-même beaucoup plus tôt, ça m’aurait évité quelques nuits blanches. Et surtout je reviens à mon modèle du début, le sens, l’action, la sécurité, c’est de travailler ce sens, à quoi ressemble la vie, qu’est-ce que tu veux faire? Tu seras fier ou content de quoi ? Vraiment bosser là-dessus plutôt que peut-être à un moment donné se laisser porter et se dire, on verra bien, ça va arriver. Je pense que c’est un vrai sujet de connaissance de soi et de travail du sens hyper intéressant à faire, dès le plus jeune âge, donc je démarre avec mes enfants, j’essaie !