PourParler – Le négociateur est il un acteur ? Hubert Myon

Bonjour à tous, je m’appelle Julien Pelabere, je suis négociateur professionnel. Mon métier est d’accompagner, former et assister des entreprises ou organisations à la conduite de leurs négociations les plus sensibles et les plus complexes. Bienvenue dans Pourparler, le podcast de la négociation. Notre ambition est simple : vous donner des clés pour mieux négocier, mieux négocier pour un meilleur futur professionnel et personnel. Aujourd’hui, j’ai la chance de recevoir Hubert Myon. Bonjour Hubert, comment vas-tu ?

Bonjour Julien, ça va très bien et toi ?

En pleine forme. Je suis ravi que tu sois là parce qu’on a l’occasion de travailler ensemble sur des sujets entre la négociation, la médiation et le jeu d’acteur qui est l’un de tes cœurs de métier, et ça me fait extrêmement plaisir d’aborder cette thématique. Avant qu’on entre dans le détail, est-ce que tu peux te présenter pour les personnes qui ne te connaissent pas s’il te plait ?  

Bonjour à tous, je suis Hubert Myon. En quelques mots, j’ai démarré ma vie en entreprise en tant que commercial et marketing dans des grands groupes, dans le luxe et les médias, et suite à un burn out, j’ai bifurqué pour me glisser dans cette triple voie que j’ai aujourd’hui. Une voie qui est vraiment animée par l’audace, c’est ce qui m’intéresse au quotidien, la capacité à oser et j’utilise ce leitmotiv sur 3 axes, d’abord en tant que comédien : théâtre, télé et cinéma pour différents projets, comédie, drame ou autre. On aura l’occasion d’en reparler sur ce que veut dire être acteur et être acteur de sa négociation. J’ai également une autre activité, celle de formateur coach et c’est dans ce cadre-là que l’on se connait et que l’on travaille ensemble, et enfin, dernier volet, je suis médiateur en entreprise sur toutes les difficultés sociales que l’on peut rencontrer et comment on accompagne la résolution des conflits sociaux en interne.

Et oui tu enseignes quand il te reste un peu de temps libre dans ta journée ?

Oui, dans différentes écoles et instituts, les différentes approches que j’ai en termes d’art oratoire, de prises de parole en public mais également les notions de gestion des conflits, des incivilités, des tensions, la négociation et la médiation.

On a décidé ensemble d’aborder cette question : est-ce que le négociateur est un acteur et j’ai envie de dire que c’est vachement paradoxal parce que quand tu ouvres n’importe quel livre de management, on te dit que le manager ou le négociateur doit être authentique, mais s’il est authentique est-ce qu’il peut être un acteur ? Est-ce que tu peux m’aider à mieux comprendre ? Est-ce que le négociateur doit jouer un rôle ? C’est quoi avoir un rôle ? C’est quoi être acteur de sa négo ou être acteur de la situation ?

La réponse est complexe, il y a beaucoup de choses à dire. Je voudrais démarrer avec une première étape qui est importante pour moi, c’est la notion d’étymologie. Qu’est-ce que c’est être acteur ? Être acteur, c’est être responsable de ses actes. La première définition c’est ça. Bien sûr, on a la notion d’acteur en tant que comédien sur scène, sur un plateau de cinéma, mais il est avant tout responsable de ses actes. Nous, sur un projet de théâtre, c’est une des premières choses que l’on nous demande. Au-delà de jouer, on nous demande d’être responsable de notre préparation, de notre apprentissage, de notre capacité à se mettre dans le personnage, dans le texte, la mise en scène etc. On fait vraiment appel à notre responsabilité. J’ai pas mal de relations avec des metteurs en scène et réalisateurs qui me disent et s’accordent tous dessus : on a besoin et ce qu’on cherche, ce sont des acteurs responsables, à qui on peut se fier en termes de capacité d’implication et de travail. Une fois que l’on a dit ça, il y a des passerelles qui se font entre acteur et négociateur. Ceci étant, il y a d’autres choses à préciser en amont. D’abord, tu poses la question : est-ce qu’on peut être acteur en étant authentique ? On est acteur parce qu’on est authentique, sinon on ne serait pas un bon acteur, sinon la pièce est mal jouée, le film est mauvais, en tous cas les acteurs sont mauvais dans le film. On essaye de faire de notre mieux et on essaye d’être le plus authentique possible parce que c’est ça qui va permettre au public, si l’on parle du métier de comédien, de croire à notre personnage et de croire à l’histoire. Ça veut dire quoi être authentique ? C’est utiliser pleinement qui je suis pour servir mon personnage, ma pièce, mon objectif.

C’est utiliser totalement qui je suis. C’est fort. C’est ne pas se renier, donc il faut se connaitre.

Ça passe effectivement par une phase de connaissance, une phase de conscience de qui je suis, de mes capacités, de mes talents et peut-être des zones de vulnérabilité sur lesquelles je dois travailler parce que ça va être utile pour mon objectif. En tant que comédien, on est comme un négociateur, là-dessus on se rejoint, on a un objectif à servir, on a un objectif à atteindre : on a une pièce à jouer et on a des effets à provoquer chez notre public, et en tant que négociateur, par définition, on a des objectifs à atteindre donc ne pas se renier c’est effectivement déjà en avoir connaissance et conscience, ça veut dire utiliser la palette de potentiels que j’ai, que ce soit intellectuellement, physiquement ou émotionnellement.

C’est génial. Est-ce qu’être authentique signifie céder à ses pulsions ? Si j’ai envie de dire à un moment « aime » à l’autre, est-ce qu’être authentique c’est le dire ou est-ce que c’est regarder comment je vis l’émotion, comment elle prend le dessus, comment est-ce que je peux la canaliser toujours dans cette notion de chercher à répondre à un objectif ? J’adore ce que tu viens de dire, il faut définir un objectif, parce que c’est le but de la négociation et on doit toujours se poser la question : est-ce que ce que je mets en place dans la négo répond à cet objectif ? Et ça, beaucoup de personne l’oublient, c’est-à-dire que dans la négo, on pourrait se dire : bon, à un moment j’ai envie de dire fuck ou de te dire que j’ai raison, mais la première question que je devrais me poser c’est : en disant ça, est-ce que ça répond à mon objectif d’accord ?

Bien sûr, on ne met pas un pied sur un plateau de théâtre, quand on est dans les coulisses, quand la pièce a démarré, si on ne sait pas ce qu’on va y faire et pourquoi on monte sur scène. Ce n’est pas possible. Soit on ne va pas savoir quoi faire, le public va le voir évidemment, soit on va faire des choses mécaniquement et là on va perdre de l’authenticité et du naturel dans le jeu et donc on ne va pas être bon.

Donc être authentique, c’est se mettre totalement et à 100% à disposition en vue de réaliser cet objectif ?

Totalement.

Il ne faut donc pas oublier « en vue de réaliser cet objectif », donc je vais donner la meilleure version de moi-même en vue de réaliser cet objectif. C’est vraiment génial parce que pour beaucoup, être authentique c’est se lever et sortir, c’est dire non à l’autre, c’est d’exploser si j’ai envie d’exploser, mais pas du tout, parce que sinon j’en oublie mon objectif ? 

C’est exactement ça. En l’occurrence, on peut se questionner sur l’objectif parce qu’il se prépare évidemment. Tu demandais tout à l’heure, parce que j’ai envie de rebondir là-dessus, si c’est céder à ses pulsions. Est-ce que si je cède à mes pulsions, je suis authentique avec moi-même ? J’ai un objectif qui est de perdre du poids, est-ce que si je cède à cette tablette de chocolat, je vais atteindre mon objectif ? Je dirais oui et non. Non bien sûr parce qu’on s’imagine bien qu’une tablette de chocolat ne va pas m’aider à maigrir. Cependant, on peut se dire oui parce que si je me dis : là, je m’autorise cette tablette parce que je sais que ce soir je ferai une diète. Il n’y a pas de règle définie mais il faut toujours mettre en perspective ce que je fais. C’est ça qui est important.

Donc être acteur ne m’empêche pas d’être authentique. Mais, du coup, c’est quoi être acteur de sa négociation en dehors d’être responsable ?

Etre acteur ne m’empêche pas d’être authentique et au contraire ! Si je veux être bon acteur, il faut être authentique. Si demain je dois jouer quelqu’un sur scène, devant une caméra, qui est un amoureux transi ou un tyran sadique, il faut que j’aille chercher ça en moi pour le mettre au service du personnage parce que je fais appel à ma palette de couleurs. C’est utiliser pleinement ce que je suis et mon potentiel, être à un moment donné, la meilleure version de moi-même. Etre acteur de sa négo, ça veut dire quoi du coup ? Déjà, je reviens au sens premier du terme : être responsable de ses actes. Aujourd’hui, je prépare ma négo. La première des responsabilités pour moi, c’est de préparer.

Et être responsable de ses actes, ça veut dire aussi, indirectement, c’est comme ça que je le comprends, ne pas subir les émotions, ne pas subir un environnement et être responsable au sens large du terme, et la préparation le permet ?

 Exactement. Il y a bien sûr toute l’anticipation que l’on peut avoir. Encore une fois, nous, au théâtre, on apprend un texte, on répète, on se prépare et après il y a ce qui se passe sur le plateau ou en négociation où là bien sûr on n’est pas maître de tout, on ne peut pas tout savoir, tout maîtriser, tout anticiper, il y a aussi l’imprévu et il y a un lien que j’aime beaucoup faire entre acteur et négociateur c’est que l’acteur, qu’est-ce qu’il fait ? Il est aussi disponible, j’aime bien le mot que tu as utilisé, c’est une vraie disponibilité pour être en capacité d’improviser, de s’adapter au moment donné s’il ne se passe pas ce qui est prévu : le texte qui doit venir ne vient pas, la musique qui doit se lancer ne se lance pas. J’ai eu des spectateurs qui font un malaise dans la salle au milieu de la pièce, qu’est-ce qu’on fait ? On s’adapte.

Ce qu’on retrouve en négociation, parce qu’en négociation on parle d’unicité de temps de lieu, d’action et de personne, chaque négociation est unique et la négociation est complexe par définition, c’est-à-dire qu’il y a des facteurs exogènes qui vont impacter mon système qu’est la négociation avec de l’incertitude et du risque et tu dis que c’est exactement la même chose dans l’acting, c’est comment je me rends disponible. A un moment, tu as évoqué la notion de rôle, est-ce qu’on peut la définir ? C’est quoi jouer un rôle parce qu’on va jouer un rôle dans cette pièce qu’est la négociation ?

 Jouer un rôle pour moi, c’est tenir un propos pour moi. Quel est mon propos, qu’est-ce que mon personnage a à dire ou, en tant que négociateur, qu’est-ce que je défends ?

Toujours dans cette volonté d’aller chercher un objectif ?

 Oui, mais je dirais que, pour moi, mon propos est au service de mon objectif. Mon propos n’est pas mon objectif. C’est ça qui m’intéresse, c’est que tout ce que je vais dire dans ma négo, comment est-ce que je l’assume ? C’est ça mon rôle : assumer ce que je dis et ce que j’ai préparé, mes argumentations, mes intérêts, comment je les assume pour pouvoir les mettre au service de l’objectif. L’acteur est pareil.

Si je comprends ce que tu me dis c’est que dans certaines négociations, je peux avoir un certain rôle, dans d’autres, je peux avoir d’autres rôles, je reste moi-même, je fais ressortir la facette de moi la plus adaptée à la situation pour répondre à mon objectif ?

Complètement, sachant que pour moi, c’est important qu’on se le dise : quel est l’objectif ? On a déjà utilisé plusieurs fois ce mot ensemble et je trouve qu’il est important, c’est cette notion de création de valeur. Tout l’enjeu, l’intérêt n’est que dans la création de valeur. En négociation, je pense qu’on le comprend aisément, créer de la valeur ensemble pour que chacun s’y retrouve mais pour moi, au théâtre, au cinéma, c’est pareil. On est là pour créer ensemble de la valeur, on est là pour créer ensemble un film. Certains le disent : l’art de la négociation. Il y a une partie artistique dans la négociation. C’est d’ailleurs ce que j’aime dans cette discipline mais pour moi, en tant qu’artiste, on crée quelque chose, c’est la définition de base de l’artiste et pour moi en négociation, c’est pareil, c’est créer peut-être un peu plus spécifiquement de la valeur. Pour moi, la seule intention, le seul objectif que l’on a c’est : quelle est la valeur que j’aurais créée à la fin de tout ça, à la fin de cette session de négociation ?

D’où le vocabulaire artistique que l’on retrouve dans le management comme le terme coopérer où on a la notion d’opéra qui est une œuvre étymologiquement. Quand on coopère, on crée une œuvre à plusieurs. C’est fort ce que tu dis. Comment est-ce que je définis ce rôle ? D’une certaine manière, ça veut dire que la préparation que je vais faire en amont ou le mandat que l’on va me donner – d’ailleurs, peux-tu me dire ce qu’est le mandat – va participer à définir ce rôle chez moi ?

Ce que j’ai coutume de dire, c’est qu’un rôle se construit. Ce n’est pas quelque chose de figé, d’écrit quelque part, c’est quelque chose qui se construit. Quand tu parles de mandat, j’ai toujours un mandat de la part d’un réalisateur ou d’un metteur en scène qui me donne une feuille de route et une piste vers laquelle aller pour me préparer et préparer mon rôle. C’est pareil en négociation, on a un mandat, une feuille de route à tenir avec différents critères dessus et puis une mesure assez objective.

On peut faire plein de parallèles entre le jeu d’acting et la négociation là. En négociation, on dit que si le mandat est trop étroit, tu ne négocies pas, tu imposes un point de vue à l’autre et s’il est trop large, c’est extrêmement déstabilisant parce que c’est : fais comme tu veux et dès que tu as un accord, on te dira : oui mais d’habitude on ne fait pas comme ça, oui mais le mandat n’était pas défini. En fait, dans le jeu d’acting c’est exactement la même chose ? C’est-à-dire que si tu n’as aucune liberté, j’imagine que pour toi ce n’est pas agréable mais si on te dit à la virgule près quoi faire, tu perds en sincérité ?

Je ne perds pas en sincérité mais ce sont d’autres méthodes de travail et c’est là aussi où je fais appel à l’authenticité : où est-ce que je me sens à l’aise, pas seulement dans le sens où c’est bien, où je me fais plaisir, mais où est-ce que je suis le plus efficient possible ? Est-ce que c’est dans un mandat plutôt serré ou plutôt libre ? Est-ce que j’ai besoin que mon réalisateur soit à côté de moi, qu’on refasse, qu’on s’explique, qu’on parle beaucoup ou est-ce qu’au contraire, j’ai besoin d’un réalisateur qui me laisse totalement libre ? Ce sont deux approches de travail très différentes et les acteurs sont plus ou moins à l’aise avec l’une ou l’autre et c’est là qu’il faut se connaitre. Et pour répondre à ta question, pour moi, le rôle se construit, c’est tout un ensemble : qu’est-ce que tu me demandes et qu’est-ce que j’ai envie de te proposer avec mon mandataire ?

Qu’est-ce que tu me demandes et par rapport à ça, qu’est-ce que j’ai chez moi et pour être authentique et qui répond à ton attente ? Quelle est la facette que je peux donner moi-même pour répondre à ton attente ?

Oui parce que c’est moi qui vais être sur scène, devant le public. J’ai pas mal d’acteurs et d’actrices qui me disent : ah mais c’est facile ce qu’il me demande. Oui et non. Peut-être que la demande est exigeante mais toi, qu’est-ce que tu en as fait ? Qu’est-ce que tu as proposé ? Comment vous avez travaillé ensemble pour faire ça ? Parce qu’effectivement derrière c’est toi qui es sur scène donc il faut l’assumer.

J’ai un mot qui me vient en tête, est-ce que c’est un mot qui te parle là-dessus : c’est d’être congruent en fait ?

Oui. Je ferais attention à ce mot là aussi parce que pour moi il est par définition instable. La congruence n’est pas figée, ce n’est pas : tiens, c’est bon, un jour j’ai trouvé ma congruence, on la remet tous les jours en question, donc bien sûr c’est la congruence et en même la congruence n’est jamais quelque chose de figé.

C’est à un instant T. C’est qu’entre ce que je dis, ce que je pense, ce que l’autre comprend de mon comportement, il n’y ait pas trop de déperdition.

Exactement. Un deuxième point que je voudrais dire sur le rôle et qui est très important pour moi, c’est la notion d’apprentissage. C’est pour ça que ce métier d’acteur est incroyable, c’est qu’à la fois on apporte notre compétence, notre savoir-faire, notre savoir-être pour le mettre au service du personnage et de la pièce, et en même temps on sait qu’on apprend. Demain, on me demande de jouer tel ou tel rôle, je sais que je vais devoir apprendre des choses. Je ne peux pas arriver en sachant tout, ce n’est pas possible. Mon authenticité va être aussi dans ma capacité à aborder ce rôle en me disant que j’ai quelque chose à apprendre dans cette nouvelle situation, dans ce nouveau projet théâtral ou artistique. J’aborde aussi la négociation de cette manière-là. Bien sûr que je suis un expert, je me suis préparé, je me suis peut-être fait accompagner pour être bien prêt et en même temps j’ai totalement conscience que cette négociation est un nouvel apprentissage pour moi, que je vais découvrir quelque chose.

Ça veut dire que si tu entres dans ton processus de négociation avec ce biais de surconfiance, en étant persuadé que tu sais ce que tu veux, que tu sais ce que l’autre veut et que tu sais exactement comment tu vas trouver un accord, c’est le meilleur moyen d’aller droit dans le mur ?

Exactement.

C’est quoi ? C’est l’humilité ?

Oui, c’est beaucoup d’humilité et ce qui est d’ailleurs très antinomique avec l’égo parce qu’on sait qu’il y a beaucoup d’égo chez les artistes mais il y a beaucoup d’humilité, et je dirais aussi beaucoup d’altruisme dans le sens où je m’ouvre beaucoup à l’autre.

On est dans la démarche de donner ?

Oui. Je ne peux être bon sur une scène de théâtre ou sur un plateau que si l’autre est avec moi ou que je vais chercher l’autre pour être bon. Même si c’est dans un monologue, j’ai besoin que l’ingénieur du son soit avec moi, j’ai besoin que le chef ops soit avec moi. Même si c’est un monologue, j’ai besoin des autres.

Ce qu’on retrouve dans à la négociation. Je peux avoir un accord sans l’autre, contre lui, ce n’est pas un problème mais si je veux le meilleur accord possible de la situation, j’ai besoin qu’il m’aide. Je ne peux pas avoir d’opportunité si je ne suis pas moi-même une opportunité pour lui.

 Je ne sais pas ce que tu en penses, mais je me dis que c’est facile d’avoir un accord rapidement et contre l’autre.

Un compromis, on coupe la poire en deux.

 Oui c’est ça, ce n’est pas très compliqué.

Ou même un gagnant-perdant où l’un perd tout et l’autre a tout gagné. Je reviens sur cette notion, je viens de dire gagnant-perdant, généralement les gens pensent à la négociation en win-win qui est séduisant intellectuellement mais qui est beaucoup plus compliqué dans la vraie vie, et surtout, cette notion de win-win, de gagnant-gagnant, n’est pas de Ury et Fisher en 1981 à partir du livre Getting to Yes, mais de Robert Axelrod qui a travaillé sur la théorie des jeux et qui, sur sa meilleure stratégie de la théorie des jeux, nous dit que c’est le tit for that with forgiveness qu’il a résumé en donnant-donnant, qui est traduit en win-win, et ce que tu me dis c’est que l’acteur, pour jouer ce rôle, la première chose, c’est qu’il doit être dans cette logique de donner ?

Oui. Tu imagines bien que pour donner la base qui est de l’énergie dont on a besoin pour jouer, il faut être sacrément disponible parce qu’il y a des soirs où n’a pas envie de jouer.

Je ne peux pas donner ce que je n’ai pas, donc comment je fais dans la négociation si je dois jouer un rôle que je n’ai pas envie de jouer parce qu’on me demande quelque chose ?  

Je ne peux pas donner ce que je n’ai pas mais je considère que l’on a toujours quelque chose à donner. J’ai une expérience dans mon école de théâtre. Je suis arrivé un soir en cours et j’étais très fatigué parce que je travaillais encore dans mon entreprise la journée. J’étais très fatigué, pas bien, à moitié malade, et je suis arrivée le soir au cours et je dis à la prof : écoute, je suis désolé mais je ne passerai pas ma scène ce soir, je ne peux pas, je ne suis pas prêt, je ne suis pas disponible, je ne suis pas en forme et elle m’a dit : je vous prends au mot, je m’en fous, vous y allez. Elle m’a forcé à aller sur scène et je pense que je n’ai jamais été aussi bon que ce soir-là. Pourquoi ? Parce que j’ai lâché la représentation de ce que je voulais faire et de ce que je voulais donner, il faut que je sois dans cette énergie-là pour que je sois bien, je suis allé puiser pleinement ce que j’avais pour le donner et j’ai fait avec ce que j’étais pleinement, avec ma préparation bien sûr, j’ai fait avec ce que j’avais à donner ce soir-là et ce que j’avais donné était finalement tellement juste et authentique que ça a marché.

Est-ce que ça veut dire que tu t’es délivré d’un certain regard extérieur pour gagner encore plus en authenticité ?

Évidemment, parce que j’ai été surement moins dans la représentation, dans ce que je voulais montrer comme type de personnage et être encore plus moi-même d’une part et d’autre part je suis surtout aller chercher ce que j’avais à donner. Du coup je suis parti de la base : ok tu es fatigué, mais qu’est-ce que t’as dans ta besace et que tu peux mettre au service là ?

Est-ce que ce que tu as donné est différent de ce que tu as donné les autres soirs ? Ma question c’est comme je ne peux pas donner ce que je n’ai pas mais que j’ai toujours quelque chose en moi, si on me demande de jouer un rôle, c’est quelque chose sur lequel je peux être d’accord / pas d’accord, que je peux négocier, mais je peux peut-être avoir différents rôles toujours dans cette volonté de satisfaire l’objectif ?

Bien sûr. Un Tartuffe, tu peux le jouer de différentes manières, un Dom Juan, il aura toujours le même objectif mais tu peux le jouer de différentes manières.

Donc ce que je dois vraiment définir c’est mon objectif mais après je suis responsable du rôle que je vais jouer et je suis responsable d’accepter le rôle qu’on me donne – je pense notamment aux directions des achats dans la grande distribution ou dans l’automobile qui peuvent être assez dures – je suis responsable d’accepter ce rôle du good cop / bad cop, du gentil / du méchant alors que j’ai peut-être d’autres façons à ma disposition pour aller chercher cet objectif ?

Complètement. C’est la notion de responsabilité encore une fois : qu’est-ce que j’ai envie de jouer ? Est-ce que j’ai envie de jouer ce rôle et si oui, alors j’y vais pleinement et j’y vais à fond parce que c’est ma responsabilité pour que l’objectif individuel, le mien, et l’objectif collectif de création de valeur commune, aboutissent. C’est ça que j’aime bien dans le lien d’acteur et de négociateur, il y a cette notion de collectif. On est ensemble dans la négo. Ça ne veut pas dire qu’on est amis, on n’est pas amis, mais on est ensemble sur ce sujet de négociation comme on est ensemble avec des partenaires de scène, avec des techniciens et avec le public. On a besoin les uns des autres, chacun a sa place pour que la pièce se joue correctement et pour moi la négociation est une pièce qui se joue.

Je suis totalement d’accord pour une raison assez simple, c’est qu’on est différent dans une négociation professionnelle, dans une négociation personnelle ou dans notre vie privée avec notre cercle d’amis et même nous, on a une interaction qui est différente quand on est entre nous ou quand on est avec nos clients. On montre une facette de nous, qui n’est pas fausse, mais qui est adaptée à l’instant T. Maintenant que j’ai cette notion de rôle en tête, j’ai certaines négociations qui peuvent être longues en intensité ou dans la durée, pour toi qui joues tous les soirs, comment être endurant sur cette notion de rôle ? Comment être congruent avec ça ? Est-ce que peux changer d’énergie à un moment donné ? Comment est-ce que tu vois les choses sur cette notion d’endurance dans mon rôle qui n’est pas moi-même mais une facette de moi-même ?

C’est une facette de moi, ce n’est peut-être pas tout moi, mais c’est une facette de moi donc c’est moi. Par rapport à l’endurance, c’est un vrai sujet en acting, pas dans le sens où tous les rôles sont physiques, l’endurance est aussi dans cette notion de concentration. Sur un plateau de théâtre ou de cinéma, l’endurance vient de notre rapport au corps, si j’ai un rapport à mon corps qui est le plus pacifié possible, j’aurais a priori aucun problème de concentration.

Qu’est-ce que tu appelles « pacifié » ?

Pacifié parce que j’entends autour de moi dans les accompagnements que je fais, dans les comédiens que je rencontre, que le rapport au corps n’est pas forcément simple, on n’aime pas forcément notre corps. On aimerait bien voir nos corps plus grands, plus petits, plus minces, plus costauds et la notion d’écouter notre corps – ce n’est pas parce que c’est bien ou qu’il y a une tendance aujourd’hui autour des aspects de méditation, de développement personnel – parce que je considère qu’en tant qu’acteur ou négociateur, mon premier outil de travail, c’est mon corps, ce ne sont pas mon papier et mon stylo. Ça va être ma respiration, mon regard, ma voix, ma gestuelle, c’est ça qui va me permettre d’incarner mon rôle. Un rôle avant tout, c’est un corps.

On dit qu’il y a 3 canaux de communication d’un message, je ne retourne pas sur l’étude de Mehrabian avec les chiffres, qui est biaisée, mais sur les ordres de grandeur, c’est intéressant. On a une grosse partie de la communication qui est sur l’expression corporelle, je vais avoir une partie qui est sur ma prosodie, la tonalité de voix, le rythme, l’accent, et une partie sur les mots utilisés, et les 3 vont se mailler. Donc le corps, je dois l’apprivoiser ? 

Oui. En tant qu’acteur, dans les bonnes écoles de théâtre, la première chose que l’on fait c’est de laisser le texte sur la chaise. Tu connais ton personnage, tu connais la scène, mais on va te dire : avant tout tu vas me le mimer.  Comment marche ton personnage ? Comment il se tient ? Comment il regarde ? Est-ce qu’il regarde déjà et il regarde quoi ? C’est intéressant parce que je trouve qu’en négociation, c’est pareil. Avant de dire quoi que ce soit, comment est-ce que je me tiens ? Comment est-ce que je m’assieds si c’est une table ? Comment je rentre dans la salle ?

Génial ! Est-ce que tu as des tips pour les gens qui nous écoutent ou nous regardent : comment je crée les conditions pour faire une bonne première impression ? Parce que généralement cette bonne première impression va dépendre de ce que j’émane et pas de ce que je dis puisqu’avant même d’avoir parlé, mon interlocuteur va se faire une première impression.

Ce n’est même pas pour l’interlocuteur, c’est pour soi, pour être à l’aise dans le rôle que j’ai à jouer : est-ce que je me sens bien dans le rôle que j’ai à jouer ? Si je joue le rôle d’un curé, d’un avocat, est-ce que je suis bien dans mon rôle ? Évidemment, au théâtre, ce qui est génial, c’est que les costumes nous aident à nous mettre dans des rôles.

A une négociation aussi : tu peux décider d’y aller en costard 3 pièces, en costume, cravate, gilet ou en jean. C’est vraiment intéressant parce que je suis en train d’écrire un second livre qui s’appelle Pitch et influence et j’explique que je fais aujourd’hui beaucoup de rendez-vous en jean, non pas par manque de respect pour mon interlocuteur mais parce que je me sens beaucoup plus à l’aise et que j’ai l’impression d’être plus congruent avec moi-même, je trouve ça génial et c’est, d’une certaine manière, mon costume.  

C’est ça ! J’ai 2 tips que j’utilise toujours. Premièrement, c’est la règle 4-6 : j’inspire 4 fois et j’expire 6 fois.

A quoi ça ressemble ? 

J’inspire sur 4 temps par le nez et j’expire sur 6 temps par la bouche.

C’est-à-dire que tu coupes ta respiration 4 fois ?

Ou tu peux faire un filet d’inspiration tout doux.

Pour les gens qui nous écoutent c’est : tu vas découper en 4 temps ton inspiration et ton expiration en 6 temps. Je l’ai fait une fois et c’est intéressant parce que j’ai eu l’impression que le temps ralentissait, un peu comme de la cohérence cardiaque.  

On rejoint les sujets de méditation, de cohérence cardiaque. Je suis adepte de toutes ces méthodes-là. Les noms et les philosophies derrière, je suis assez ouvert là-dessus, il n’y a pas de sujet, je n’ai pas de chapelle. La seule chose qui m’importe c’est l’effet produit. L’effet produit sur soi, c’est une décontraction de toutes les zones de tension, un relâchement des épaules et puis on va voir juste après la notion de voix qui se pose. Si je suis stressé, je vais être un peu plus agité, alors que si je me pose, si je respire, je vais avoir une voix plus posée et je vais avoir une voix qu’on appelle au théâtre la voix medium, une voix plus timbrée et du coup une voix qu’on appelle la voix de l’affirmation qui va effectivement produire un impact qui est : la personne en face de moi ne va pas pouvoir remettre en cause quoi que ce soit parce que j’ai posé.

Cet exercice de respiration impacte mon expression corporelle parce que ça me relâche et ma prosodie, c’est-à-dire ma tonalité de voix ?

Exactement.

J’inspire 4 fois et je souffle 6 fois.

On va dire sur 4 temps et 6 temps. Ce sont des exercices qu’on fait tout le temps avant de monter sur scène parce que sinon on ne rentre peut-être pas dans la bonne énergie, on va louper notre effet, notre démarrage.

Ça me permet d’être présent à l’instant T et pleinement présent.  

Exactement.

Est-ce que tu aurais quelque chose en termes de position pour entrer ?

C’est le deuxième outil que j’utilise beaucoup : le jeu des 3 secondes. J’attends 3 secondes avant de dire quoi que ce soit, même bonjour. Qu’est-ce que ça permet ? Ça permet de se redresser tout doucement et d’avoir le regard qui s’adresse là où j’ai envie de l’adresser, en l’occurrence à la personne à qui je m’adresse. En négociation, on ne parle pas à ses papiers, on ne parle pas autour de soi, on parle à la personne en face de soi. Prendre le temps de prendre 3 secondes, je m’interdis de parler, c’est un peu comme des caméras qui bougent toutes seules et qui se fixent sur la personne qui parlent.

Qu’on soit bien d’accord, c’est ne pas parler pendant 3 secondes mais ça n’interdit pas de regarder ou de sourire ?

Au contraire ! Il faut en profiter pour créer le contact. Premier exercice de communication : je crée un contact sans dire un mot.

Ce n’est pas un exercice évident pour les gens qui vont essayer parce que le silence ne nous met pas tous à l’aise. Sur un one-to-one à la limite, tu vas m’en parler, mais comment on apprivoise cette notion de silence et sur scène, quand tu as 200 ou 300 personnes qui te regardent, ces quelques secondes de silence ne sont pas les mêmes ?  

Oui. Ce qui m’aide c’est d’assumer que j’aime être regardé. J’aime qu’on me regarde, j’aime qu’on soit un peu suspendu à mes lèvres, qu’on se dise : silence, qu’est-ce qu’il va dire ? Pareil en négociation, j’aime sentir qu’en face il y a une attente de l’interlocuteur qui se dit : qu’est-ce qu’il va dire à ce moment-là ? Comment il va aborder la suite de la négociation ? Qu’est-ce qu’il va répondre à ce que je viens de lui dire ? Moment suspendu. J’aime créer cet effet-là.

Ce n’est vraiment pas un exercice facile. J’ai fait une conférence Ted qui est filmée sur la négociation et mon coach m’avait dit : attends 5 secondes avant de commencer pour avoir un focus d’attention sur toi et gagner en impact sur tes premiers mots. J’étais persuadé que j’avais dépassé les 5 secondes et quand je vois la vidéo Ted, ça doit durer 2 ou 3 secondes. Je me dis que s’il ne m’avait pas dit ça, je me serais précipité et se précipiter c’est peut-être perdre effectivement en impact.

Un des gros pièges de la négociation c’est la précipitation. Quand on se précipite sur une pièce de théâtre, on appelle ça bouler son texte, on boule, on boule, on ne joue plus, on oublie le public et la pièce n’est pas bonne, on passe à côté. Prendre ce temps-là c’est aussi prendre un petit temps pour se remettre bien dans son rôle, c’est peut-être qu’on est aussi un petit peu décalé parce qu’il y a du stress, c’est normal.

J’en viens à une question par rapport à ce temps de silence qui va m’amener sur un autre univers que tu connais bien parce que j’imagine que tu ne joues pas de la même manière au théâtre et à la télé. On a la chance pour certains de te voir sur des chaînes comme M6, est-ce que tu veux parler du programme très rapidement ?

J’ai eu la chance de tourner dans différentes séries de TF1, France 2, M6, des séries comme InfidèlesLa promesse, Le crime vous va si bien, Scènes de ménage aussi. Là, j’ai tourné dans un très beau film qui s’appelle Tempête. C’est un film de Christian Duguay qui avait fait le film Jappeloup et c’est un film qui va sortir en 2022 je pense. C’est un très beau film avec Carole Bouquet, Danny Huston, Pio Marmaï, Mélanie Laurent, c’est une très belle expérience.

Vu tu n’es pas de la même manière sur une scène au théâtre et à la télé, tu vas vite comprendre ma question. On ne négocie pas de la même manière en visio et en face-à-face. Ce qui m’a amené à cette question, c’est que le silence n’est pas perçu de la même manière en visio et en face-à-face. Autant en face-à-face tu peux te permettre des silences assez longs parce que la personne va comprendre que tu réfléchis ou que tu invites à la parole, autant en visio, le silence c’est : « tu m’entends Hubert, on a été coupé, qu’est-ce qui ne va pas », quelles sont les 2/3 astuces que tu pourrais nous donner pour mieux négocier en visio ?

J’ai vécu une expérience incroyable un jour parce que j’animais un groupe de formation en visio et un des participants a eu cette phrase incroyable et a dit : mais le problème en visio, c’est qu’on ne se voit pas. J’ai trouvé ça génial. J’ai dit : j’aimerais qu’on s’arrête sur cette phrase parce qu’elle est quand même pas mal. Je comprenais ce qu’il voulait dire derrière, il parlait de ce contact donc tu parlais là. Pourquoi je raconte ça ? C’est parce que la clé est dans le regard. Quand on est en physique, on a les 5 sens plus éveillés. Bien sûr on a l’ouïe et la vue, mais l’odorat peut aussi être plus éveillé, un parfum par exemple, le toucher aussi peut être plus éveillé si on se serre la main alors qu’en visio, on ne l’a pas. La visio nous oblige, et pour moi ce n’est pas négatif, à nous concentrer sur ces 2 sens que sont la vue et l’ouïe. Ça nous oblige à être beaucoup plus attentifs à nos regards : comment je regarde l’interlocuteur à travers la caméra et comment je regarde mon interlocuteur dans la fenêtre qui s’affiche, qu’est-ce que je vois de mon interlocuteur, s’il est assis ou debout. Au cinéma ou en télé, même s’il y a des gros plans, des plans larges, des plans paysage, il y a plus souvent des plans américains ou des plans serrés donc ça veut dire qu’on nous demande de jouer beaucoup plus sur le visage et notamment sur le regard, alors qu’au théâtre, c’est tout le corps qui va être engagé parce que tous les membres vont être utilisés, la voix va être plus projetée aussi alors qu’au cinéma ou à la télé, on est microté.

La caméra enferme un instant d’une certaine manière. On pourrait presque aborder la négociation en visio comme une scène c’est-à-dire que dernière moi, j’ai mis en place ce que je voulais montrer et ne pas montrer : est-ce que je me filme dans ma chambre, dans mon salon ou dans mon bureau ? Qu’est-ce que je mets derrière moi ? Est-ce que j’ai rangé ? Est-ce que je suis habillé ? C’est intéressant aussi la caméra parce qu’elle est en face de moi, mes 2 écrans sont sur le côté, si je regarde ton visage, je ne regarde plus la caméra, si j’ai un Powerpoint ou un Excel parce que j’ai des chiffres, je ne regarde plus la caméra, donc est-ce que je dois mettre la caméra au-dessus pour être sûr d’avoir un regard ? Qu’est-ce que tu recommandes et qu’est-ce que tu recommandes en matière de scène, de théâtralisation et qui se prépare une fois de plus en amont ?

Toujours. Là tu aborde la notion de mise en scène. Il faut se mettre en scène. Dans le rôle que j’ai, qu’est-ce que je montre de moi et qu’est-ce que je montre du rôle que je veux avoir vis-à-vis des interlocuteurs qui m’écoutent ou qui qui me regardent ? Il y a une notion de mise en scène. La mise en scène est évidemment très subjective, c’est là que c’est intéressant parce que si la mise en scène est assez bateau, on va passer à côté de notre effet. La mise en scène doit être pensée en termes de décor, de luminosité, en fonction de ce que je veux que l’autre voie.  Qu’est-ce que l’autre va voir ? Il y a une règle que j’aime bien qui est celle des 3 tiers. Au cinéma, on coupe l’écran en deux lignes horizontales et 2 lignes verticales, ce qui fait 9 carrés égaux. A l’intérieur, tu as 4 points de contact qui sont les 4 points de jonction, c’est ce qu’on appelle les 4 points de force et c’est là ou l’œil du spectateur se fixe, principalement d’ailleurs sur les 2 points du haut. Ça peut paraitre bête mais ces points de force sont importants. Où est-ce que vous placez votre caméra ? Il faut que vos yeux soient à peu près sur la ligne du haut de ce morpion parce que c’est ça qui va vous permettre d’attirer l’œil. Le décor, choisissez-le cohérent avec ce que vous voulez montrer.

On voit sur que nos caméras à nous, on a vraiment 2 plans qui sont complètement différents. Toi, tu es vraiment sur un gros plan, moi sur un plan un peu plus large et pourtant notre ligne des yeux est au même niveau.

C’est exactement. C’est important et par rapport à ce que tu me demandais en termes de tips pour une visio, il y a aussi les mouvements de regard. Moi ils ne me dérangent pas, il y a quelque chose de naturel et de vivant, c’est plutôt ce questionnement : comment j’arrive à garder le contact visuel avec l’autre ? Je peux bouger le regard mais je ne perds jamais le contact avec l’autre.

Je peux bouger mon visage mais il faut que mes yeux regardent dans la même direction. Petite anecdote, je te l’avais dit, il y a 2/3 semaines j’étais à Neuilly-sur-Seine avant une formation pour un cabinet de conseil. J’avais un peu d’avance donc je prends un café en terrasse et le directeur commercial d’une grande enseigne de luxe en électroménager que je croise par hasard me parle de toi. On l’avait accompagné sur une formation online et il m’a dit : on a retenu ce conseil de Hubert, on l’applique dans toutes nos négos, ça cartonne et le tips que tu leur avais donné c’était de faire des visios en étant debout à certains moments. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus dessus parce que je trouve que l’idée est vraiment géniale. On voit même qu’il y a des entreprises qui font des tapis de marche avec un bureau en hauteur, tu continues à marcher, tu as un rythme, tu es debout, il y a plein de choses à faire avec son corps et la caméra ne retransmet que la partie haute. Pourquoi tu leur avais donné ça comme conseil ? 

Je ne veux pas en faire une règle parce que quand je regarde un film ou une pièce, je n’ai pas envie de voir quelqu’un qui est comme ci ou comme ça, j’ai envie de voir quelqu’un qui est à l’aise dans ce qu’il fait. Je suis content que ça ait parlé à certains. Si je le fais quand j’anime des formations, des coachings ou autre, c’est parce que je suis à l’aise comme ça, c’est ça qui me permet de bien jouer le rôle.

Et on en revient à la façon de s’habiller. Tout à l’heure tu disais qu’il faut être à l’aise.  

Bien sûr. Qu’est-ce qui fait que là – et ça rejoint ce que tu disais tout à l’heure aussi – j’assume d’être comme ça, j’assume d’être en jean ? C’est parce que c’est moi et ça ne remet évidemment pas en cause quoi que ce soit, ça n’envoie pas de signal particulier, c’est juste que c’est moi. Ce que j’aime dans le fait d’être debout, parce que c’est ma méthode, c’est que ça me permet de plus utiliser mon corps que si j’étais assis. On sait qu’à distance, l’animation demande pas mal d’énergie pour créer de l’énergie en face, donc ma méthode était de dire : je vais me mettre en énergie et peut-être qu’eux ça va leur donner de l’énergie et me mettre en énergie, ça a été de me mettre debout. Après, s’il y a des gens qui sont plus à l’aise assis, ça ne me choque pas, je pense qu’il y a des choses très intéressantes à faire assis. Ce qui est important dans tout ce qu’on se dit là, pour qu’un jeu d’acteur sur scène ou en négociation soit intéressant et efficace, il ne faut pas qu’il soit figé ou dogmatique : un négociateur ne doit pas se mettre assis, je n’en sais rien moi, un négociateur doit aller chercher en lui ce qu’il va lui permettre d’être pleinement dans son rôle et pleinement dans la création de valeur.

C’est exactement ce que tu dis depuis le début. Je trouve ça génial parce que je ne voyais pas du tout ça comme ça sur l’acting. Si je comprends bien l’échange qu’on a, être acteur c’est être responsable de ses actes et être authentique dans un rôle, c’est choisir dans les différentes facettes qu’on a à disposition celle avec laquelle on est le plus à l’aise à l’instant T pour répondre à un objectif qui peut nous être donné par notre mandataire ou notre N+1 mais le fait de jouer un rôle ne nous empêche pas d’être authentique. Et, que ce soit en négociation ou en visio, si j’extrapole ton propos, ça veut dire que si je ne suis pas à l’aise avec mon décor, je peux mettre un arrière-plan, je peux flouter, si je suis plus à l’aise debout, à la bonne heure ! Si je suis plus à l’aise debout, à la bonne heure ! Si je suis plus à l’aise à négocier à l’extérieur dans mon jardin, à la bonne heure ! Le seul truc c’est qu’il faut que je sois pleinement là d’abord si je veux être pleinement disponible pour l’autre ?

Tu as utilisé un mot qui est extrêmement important, c’est choisir. J’invite tous les gens qui nous écoutent à regarder cette interview de Bryan Cranston, le héros de Breaking Bad, qui explique qu’on ne peut pas rater un casting. Pourquoi ? Parce qu’un casting – c’est un peu provoc – c’est simplement un moment où tu fais une proposition de jeu en fonction de ce que tu veux, de ce que tu es et de ce que tu as envie de proposer et si tu n’es pas pris, ce n’est pas que tu n’as pas été bon, c’est que ta proposition ne correspond pas à ce qui a été envisagé, c’est autre chose mais ça ne t’appartient pas. C’est ça que j’aime bien dans cette notion d’acting, c’est qu’il y a la fois une liberté totale et en même temps une énorme responsabilité.

Et est-ce que l’audace, cette capacité à oser, ce n’est pas cette capacité à choisir ? 

Bien sûr. J’ai cette phrase que l’on m’a dite et que j’aime beaucoup parce qu’on dit toujours que choisir, c’est renoncer, quand on te dit ça, ça n’aide pas à choisir, on m’a donné une définition que je trouve intéressante : choisir, c’est décider d’une destination et ce n’est pas déterminer une finalité. Choisir c’est déterminer un chemin, je prends ce chemin-là.

Et que tu peux adapter, dans ta négociation ou dans tes différents rounds de ta négociation.

Oui parce que c’est comme la création de valeur, au bout d’un moment, on se dit : tiens, je n’aurais pas imaginé sortir de ma négo avec ça mais dans les différents rounds qu’on a eus, il s’est dégagé ça, on a créé ça ensemble, on s’y retrouve et ce n’est pas inintéressant. C’est ça aussi la création de valeur, choisir ça. Donc tu fais bien d’insister sur le choisir d’ailleurs.

J’ai eu la chance de rencontrer des gens assez fantastiques à Lorient, des anciens des forces spéciales marines, chez Pegagus, une entreprise qui est fantastique. Dans leur salle de débriefing, il y a une phrase qui est « prière de ne pas subir », donc tous leurs retours d’expérience, ils les font là-dessus. Dans l’inconscient collectif, moi le premier peut-être, je pensais que l’acteur subissait son texte et son rôle, mais bien au contraire, ce n’est pas du tout ce que tu dis. En fait l’acteur est la personne qui choisit ce qu’il a envie de montrer et donner et le négociateur qui va avoir son rôle d’acteur ne subit pas la négociation, il choisit la facette la plus adaptée pour répondre à son objectif, c’est ça ?

Bien sûr, c’est pour ça que les grands acteurs jouent énormément de choses et sont géniaux dans tout. Depardieu est génial dans énormément de rôles, on aime ou on n’aime pas, parce qu’il est à la fois capable de jouer un flic truand dans les films d’Olivier Marchal, qu’un analphabète dans un film de Jean Becker, La tête en friche. Pourquoi ? Parce qu’il choisit, il s’immerge totalement dans le truc, il y va à fond, totalement libre et avec l’envie de s’amuser aussi, dans le bon sens du terme, ce n’est pas puéril, c’est dans le sens je joue, dans le premier sens du terme.

C’est vraiment passionnant. Ça donne un autre regard sur les notions d’authenticité, d’acting, de congruence, de choix. Merci pour cet éclairage Hubert. J’ai une dernière question que j’ai l’habitude de poser à tous mes invités, si le Hubert d’aujourd’hui devait rencontrer le Hubert quand il avait 20 ans, quel est le conseil que tu lui donnerais s’il te plait ?

Continue. Pourquoi je dis ça ? Parce que je sens que je suis sur un chemin. La vie est un éternel chemin avec plein de découvertes, de nouveautés, de surprises, des hauts et des bas et donc continue sur ton chemin, trace ta route.

S’il n’y avait pas eu ces hauts et ces bas, le Hubert d’aujourd’hui n’existerait pas donc continue. C’est ça ?

Bien sûr, on a besoin de la nuit pour voir le jour.

Merci beaucoup Hubert pour ce retour d’expérience, c’était passionnant !

Merci à toi et puis j’engage tous les uns et les autres à s’amuser en théâtre, dans les cours amateurs s’ils le souhaitent, parce que ça les aidera de toute façon dans leur vie personnelle et professionnelle.

Absolument et qui ose gagne pour une reprendre encore une phrase militaire mais qui est vraiment le crédo de l’institut Néra. Merci beaucoup Hubert. On se retrouve dans 2 semaines pour un nouveau podcast de Pourparler, le podcast de la négociation, merci beaucoup !

Bonjour à tous, je m’appelle Julien Pelabere et je suis négociateur professionnel. Mon métier est d’accompagner, former, assister des entreprises, organisations, à la conduite de leurs négociations les plus sensibles et les plus complexes. Bienvenue dans Pourparler, le podcast de la négociation. Notre ambition est simple : vous donner les clés pour mieux négocier, mieux négocier pour un meilleur futur professionnel et personnel. Aujourd’hui, j’ai la chance d’accueillir la pétillante Guila Clara Kessous. Bonjour Guila.

Bonjour Julien.

Comment vas-tu ?

Je vais très bien, merci de me recevoir dans ton beau podcast.

C’est gentil comme tout d’être présente parce qu’aujourd’hui on va parler d’un sujet qui est vraiment intéressant parce qu’il n’est pas évident à traiter, c’est notamment le genre en négociation. Mais avant de rentrer dans le cœur du débat, est-ce que tu peux te présenter pour les personnes qui ne te connaissent pas encore s’il te plait ?

Avec grand plaisir. Je m’appelle Guila Clara Kessous, j’ai obtenu mon doctorat sous la direction d’Elie Wiesel et je suis spécialiste de communication. Mes ères d’expertise touchent la psychologie positive avec laquelle je travaille en coaching, j’utilise notamment la méthode du professeur Tal Ben-Shahar, l’intelligence émotionnelle avec les méthodes de Paul Ekman, on y reviendra, qui aident beaucoup d’ailleurs à la négociation, négociation à laquelle je me suis formée par William Ury à l’université d’Harvard, le fameux auteur du best-seller Getting to Yes de la négociation raisonnée que tu connais bien Julien.

Elie Wiesel, pour les gens qui ne connaissent pas, prix Nobel.

Elie Wiesel, prix Nobel de la paix. C’est vrai qu’avec Elie Wiesel, j’ai approfondi cette notion d’aide à la communication pour des survivants de génocide, parce que c’est un survivant de la Shoah, de l’Holocauste, qui a vraiment montré une grande résilience au point de pouvoir se lever contre toutes les injustices et avec lui j’ai étudié cette notion de communication grâce à des techniques théâtrales puisque mon premier métier, c’est d’être comédienne. Donc c’est sur scène que je défends cette notion de négociation, et puis on va parler quand même de notre sujet d’aujourd’hui : négociation au féminin. Pour ce faire, sur la question du genre, ce sera le Women’s forum qui m’a nommée Rising Talents cette année. C’est comment réussir à gérer cette notion de genre dans un cadre de négociation, c’est bien ça notre sujet, n’est-ce pas ?

Oui. Je te pose la première question avec un côté un peu sulfureux mais négocier au féminin, est-ce que c’est un coup de génie marketing ou est-ce que c’est vraiment une réalité ? Est-ce qu’il y a vraiment des différences homme / femme sur la négociation ?

 Alors, par rapport à ce que j’ai pu voir au niveau coaching, c’est vrai qu’il n’existe pas véritablement de différence je dirais de nature. On parle souvent de la théorie du genre, en fait, elle n’existe pas. On a vu que les hommes et les femmes sont capables de pouvoir très bien se débrouiller en négociation. Par contre, ce que l’on peut voir, ce sont bien entendu des biais, des stéréotypes, qui vont empêcher l’un comme l’autre de pouvoir s’exprimer pleinement. Chez la femme, les stéréotypes et les biais, on en parlera, sont récurrents par rapport aux hommes et viennent essentiellement d’un parcours culturel. Alors, est-ce que c’est marketing ou pas ? Bien sûr, on va actuellement surfer sur la vague du #Metoo qui a été très bénéfique les 5 dernières années pour libérer la parole féminine face à des cas terribles d’oppression masculine. Ce n’est pas pour autant qu’aujourd’hui, lorsqu’on va avoir affaire à un homme en négociation, que les choses vont forcément être plus simples parce que l’homme aura en tête le #Metoo. Au contraire, c’est venu déplacer je dirais certains ressentis émotionnels qui sont intéressants aussi à observer, c’est-à-dire qu’aujourd’hui, quand on s’exprime sur la question du genre, on va avoir en sous-texte un contexte qui fait que l’homme va aussi se sentir un peu mal parce qu’il sait que, très vite, s’il y a quelque chose qui va dévier, le balance ton porc peut être un risque réel. Quant à la femme, quelques fois, et ça existe aussi, même si, on y reviendra, le paternalisme continue à gangréner la négociation, elle va mettre en place des processus défensifs qui n’ont pas lieu d’être. C’est quelque chose qui est assez intéressant.

Est-ce que les femmes négocient différemment que les hommes ? Parce que tu me dis qu’effectivement, il y a des notions de stéréotypes, c’est-à-dire de perceptions de la réalité avec des croyances qui peuvent être plus ou moins limitantes, toi, qu’est-ce que tu observes ? Est-ce que les femmes agissent différemment dans la négociation ? Est-ce qu’il faut agir différemment en fonction du genre de son partenaire de négociation ? C’est quoi ta perception de cette situation parce qu’elle est vraiment intéressante, il y beaucoup de messages contradictoires aussi et il y a beaucoup d’études qui réalimentent cette notion de stéréotypes.

En fait, de ce que je peux remarquer, c’est que chez la femme, de par l’éducation essentiellement, de par l’encadrement culturel qui va avoir lieu très tôt, on va avoir quelque chose qui va être plus à l’écoute. Pourquoi ? Parce qu’une femme qui va s’exprimer, qui va parler en premier, sait qu’elle va moins obtenir, d’ailleurs, c’est une des règles de la négociation et je pense que du côté féminin, on l’a bien compris. C’est ce qu’on interprète comme le care, qui là aussi est quelque chose que l’on plaque un peu rapidement sur l’élément féminin, c’est-à-dire cette volonté empathique de pouvoir aider l’autre, materner l’autre, être là dans une certaine volonté sacrificielle et qui est très mauvais au niveau féminin dans un cadre de négociation. Il existe chez certaines femmes mais je dirais encore une fois comme une déformation pédagogique. Un homme aura beaucoup plus de mal, par rapport aux cas que j’ai pu coachés, à se retenir de pouvoir parler tout de suite, donner tout de suite sa position, expliquer ce qu’il recherche dans la négociation, ce qui fait que, quelques fois, lorsqu’on a une négociation purement masculine, on va aller directement dans le vif du sujet. Quand on a quelque chose qui est homme / femme, on va avoir une femme qui va avant tout chercher à comprendre mieux, intuitivement je dirais, le pourquoi, l’intérêt, le besoin derrière la demande et donc on va tout de suite rentrer dans quelque chose qui va être plus intuitif ou en tous cas moins explicatif.

C’est génial parce que quand j’ai préparé ce sujet, j’ai regardé un peu les études qui ont été faites et dans l’une des études les plus anciennes, ce n’est pas récent, c’est de 1980, de Kimmel, Pruitt et Carnevale, c’est exactement ce qu’ils disent, c’est-à-dire que les femmes vont parler moins que les hommes, vont être plus dans une dynamique d’écoute et vont peut-être être un tantinet moins assertives pendant la phase de négociation. Or, on se rend compte que qui ne demande rien n’a rien. D’une certaine manière, dans les négociations, les personnes qui demandent le plus obtiennent le plus et il y a un livre assez récent de Babcock en 2003, Women don’t ask, qui expliquait qu’à la sortie de Carnety Muholand Graduate, à la sortie de ce Bac+5, tu as 50% des hommes qui négocient leur salaire, 7% des femmes qui vont négocier leur salaire et le reste ne négocie pas. Et c’est vraiment intéressant parce qu’on se rend compte que c’est 8 fois plus important, c’est un ratio énorme et cette croyance de se dire que les femmes sont plus dans l’écoute et que les hommes vont plus demander, je trouve que ça réalimente cette notion de stéréotype, qu’est-ce que tu en penses ?

En fait on a toujours l’injonction du « sois belle et tais-toi » qui est là. C’est vrai qu’une petite fille, en termes d’éducation, on va lui dire beaucoup plus souvent qu’il faut qu’elle soit belle, il ne faut pas qu’elle dise non et donc très naturellement, on va dire que le petit garçon est insupportable parce qu’il a beaucoup d’énergie alors que la petite fille, on va la canaliser avec des sports comme la danse classique, du piano, un petit peu l’éducation à l’ancienne. Aujourd’hui on commence à changer, je dis bien on commence, parce que c’est encore difficile de se faire à l’idée que la danse classique puisse être faite dès petit par un garçon, donc on commence à changer, mais quand on commence à observer la danse classique ou le piano, ce sont des activités très solitaires avec un but de perfection. Ce que l’on voit, c’est que le perfectionnisme chez la femme, dans un cadre de négociation, n’est pas du tout le même que chez l’homme, c’est-à-dire que par le fait de développer cette stratégie du discours, la femme va garantir une négociation qui va être plus longue, elle ne va pas d’emblée annoncer la couleur, ce qui fait qu’elle ne va pas aller d’emblée au clash. L’homme lui aura moins peur et ce qui est intéressant à avoir en tête c’est, un petit peu comme dans le monde de la séduction, un homme à qui on va dire non va se dire : elle ne sait pas ce qu’elle perd, de toute façon, je la trouvais moche, elle n’avait aucun intérêt, alors qu’une femme à qui on va dire non va se sentir rejetée et va vivre ça comme un échec très dur pour essayer de se remettre, donc ce que tu dis par rapport à cette étude c’est qu’en fait, on voit que la femme d’emblée va essayer d’obtenir le oui, ce qui fait que la stratégie n’est pas mauvaise en termes de négociation, sauf que, quand il faudra affirmer la couleur, la fameuse batna, le plan B si jamais ça ne marche pas, là, un, la volonté de ne pas avoir de non et deux, la volonté de ne pas faire de peine, il y a encore quelque chose qui est très féminin vis-à-vis de ça, va faire en sorte que la femme va admettre quelque chose qui ne lui plaira pas dans un compromis qui peut être en sa défaveur par rapport à un homme qui ne se laissera pas faire et qui d’emblée vivra l’échec en se disant : de toute façon, il ne me méritait pas. Ce « il ne méritait pas », une femme va avoir beaucoup de mal à pouvoir le dire d’elle-même.

Je retiens plein de choses. Juste une petite précision pour les gens qui nous écoutent, la BATNA, c’est la Best Alternative To Negociated Agreement, c’est-à-dire c’est une option qui n’est pas à la table de la négociation, une alternative, une MESORE, c’est : qu’est-ce que je fais si je n’ai pas d’accord avec l’autre ? Ce « sois belle et tais-toi » m’a vraiment interpellé parce que dans mon éducation, on ne m’a jamais dit ça, on ne m’a jamais dit : « sois beau et tais-toi » et ce que je comprends de ta comparaison avec la danse classique, c’est qu’il y a une notion de geste bien fait qui est plus important que le résultat chez la femme alors que j’ai l’impression que, dans mon éducation de petit garçon, c’était plus le résultat qui prévaut, c’est-à-dire ce fait d’être sur un résultat positif quel que soit le chemin, sans aller sur des comportements de passager clandestin ou de sortir de la règle, il faut travailler pour avoir des résultats. De ce que j’entends de ce que tu dis c’est que la relation à l’autre est plus importante alors que chez l’homme, c’est plus l’output, la conséquence de la négo avec un résultat positif ou négatif qui va venir apprécier son travail, c’est ça ?

Ce qui est intéressant c’est de voir qu’en fait, le petit garçon, par des jeux de balle ou de stratégie, que ce soient les échecs, le foot – encore une fois, aujourd’hui on commence à changer ça – quand on fait faire très tôt un jeu stratégique, une activité stratégique à un enfant, il va comprendre qu’il a un rôle bien précis, un rôle important, que s’il ne joue pas, l’équipe ne va pas pouvoir réussir à obtenir ce qu’il veut. Dans un cadre de danse classique ou de piano, la petite fille, qui avait encore ces activités de façon traditionnelle une ou deux générations auparavant, doit fondre ce perfectionnisme en se basant sur le perfectionnisme de l’autre, c’est-à-dire que le geste que je fais doit être tellement parfait qu’il doit surtout ne pas être mieux fait que ce lui d’à côté ou moins bien fait que celui de l’autre, pourquoi ? Parce qu’un corps de ballet doit être une masse qui va être parfaite en elle-même, c’est-à-dire qu’on va se calquer sur une perfection globale. Si jamais on est meilleure, on deviendra peut-être danseuse étoile, on sera bien seule en étant danseuse étoile et là on aura bien sûr un code à appliquer qui sera différent, mais si on prend un corps de ballet ou même le piano, il y a quelque chose qui est de l’ordre de la solitude vis-à-vis du geste parfait pour pouvoir répondre à une certaine norme du groupe et ça par exemple, ça va être ressenti en termes de négociation comme : je vais devoir être absolument parfaite pour pouvoir parfaitement rentrer dans la norme de l’autre, pas tant pour un résultat personnel mais pour un résultat global. Donc je dirais que, par rapport à cette éducation-là, on va voir que la femme va être plus sensible à un résultat qui va prendre en considération une idée de « je suis comme les autres » alors qu’un homme va essayer de voir « comment je ne suis pas comme les autres, comment je peux voir vis-à-vis de la compétition et comment est-ce que je peux réaliser et dire à mon boss que moi, je suis meilleur que les autres et que je ne suis pas en accord avec certains autres qui ne font même pas partie de mon clan ». Cette façon de regarder la compétition est vraiment intégrée assez rapidement d’un point de vue masculin puisqu’on a cette relation d’équipe alors que chez la femme, on va avoir quelque chose qui va être, je dirais, une mesure vis-à-vis des autres dans son propre groupe.

C’est vraiment passionnant ce que tu dis, ça fait appel à plein de réflexions dans ma tête. Il y a Anderson et Shiraco en 2008 qui ont montré que les femmes étaient plus dans une dynamique corporative dans le processus de négociation, mais les 2 exemples que tu as donnés sur le petit garçon qui va faire du foot ou des échecs et la fille qui va faire du ballet ou du piano, sont vraiment intéressants je trouve parce que le garçon a toujours face à lui une équipe, il a un adversaire, c’est-à-dire qu’il est dans une logique à vouloir performer, à vouloir être meilleur que l’autre alors que dans les exemples que tu m’as donnés chez la fille, son seul adversaire c’est elle-même, c’est-à-dire qu’elle doit être la meilleure version d’elle-même au piano ou dans le ballet. Donc ce que j’entends, c’est qu’au-delà du fait que l’on soit différent d’un point de vue chromosomes, c’est notre éducation, ce qu’on va nous inculquer qui va développer cette différence. Effectivement, si toute mon éducation on m’a dit « sois belle et tais-toi », je suis toujours en compétition contre moi-même et si la relation prévaut c’est très différent de si toute mon éducation on m’a dit il faut que tu performes, il faut que tu sois meilleur que les autres, pas forcément bon mais meilleur que les autres, et dans une dynamique de combattant. Forcément, ça va m’impacter sur la négociation qui bénéficie déjà, malheureusement, du stéréotype que la négociation, c’est un combat contre l’autre.

Tout à fait, et je vais même aller plus loin, on a cette injonction : « sois belle et tais-toi » et on a aussi cette injonction de : « il faut souffrir pour être belle » et donc cette idée de ne pas s’écouter, de serrer les dents pour aller plus loin. C’est très intéressant parce qu’on voit cette notion-là même dans les équipes de foot féminin. Ce n’est seulement être comme les hommes, c’est pouvoir dépasser ce qu’on peut imaginer être des limitations de femme. En faisant ça, je ne dis pas que l’on va contre nature mais d’une certaine manière, on va profondément contre ce qui a été inculqué, à savoir que le chemin va être dur. Pourquoi ? Parce qu’il va y avoir non seulement parce qu’il va y avoir des questions hormonales, mais il va y avoir aussi la grossesse, donc des moments de souffrances qui vont être assez peu communiqués mère / fille, père / fille non plus, donc il va y avoir quelque chose d’un peu tabou pour lequel les parents vont compter sur le clan des filles pour se le dire entre elles, que la petite fille va découvrir par elle-même et va comprendre qu’elle est faite pour cette souffrance, pour apporter quelque chose à l’humanité. Donc à chaque fois qu’elle va devoir crier victoire, c’est vraiment crier, avoir la victoire, c’est-à-dire faire un dépassement à la fois psychologique, physique vis-à-vis de ce qu’on a pu lui dire à chaque étape. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de frustration dès l’enfance du point de vue masculin, mais il y pas cette espèce de façon de vivre son état genré comme étant une constante façon de pouvoir réussir à obtenir une victoire sur elle-même. Ça, on le voit dans la négociation, c’est clair

C’est vraiment intéressant de le percevoir comme ça. Tout ce qui va nous construire va se faire sur notre petite enfance, que l’on soit un homme ou que l’on soit une fille. Et ce qui pourrait être perçu, j’ai l’impression, comme « pas de victoire facile » d’une certaine manière, peut développer la résilience des femmes peut-être plus facilement mais, dis-moi si je me trompe, cette résilience peut aussi nous amener à nous oublier nous-mêmes et à faire taire une forme de de mal-être, de malaise au nom de cette résilience qui normalement devrait être une vertu mais qui, à ce moment-là, peut me desservir dans mon quotidien par rapport à des comportements qui seraient acceptables. C’est ça ?

Ce qui est intéressant c’est que l’on voit cette idée de résilience d’un point de vue masculin et d’un point de vue féminin différent. C’est-à-dire que lorsqu’un homme va commencer à rentrer dans une idée dépressive en disant mais qu’est-ce que je suis finalement ? Cette idée de « qu’est-ce que je suis », ce serait l’entropie, c’est-à-dire rester devant la télévision, pas bouger, pleurer et ne pas réussir à revenir sur le ring. Une femme va vivre la même chose, une entropie, se laisser aller, en attendant, c’est surtout se dire : je ne suis qu’une femme. « Je ne suis qu’une femme », c’est-à-dire je suis destinée à avoir des enfants, je suis destinée à pouvoir… On a tout le temps en sous texte ce travail. Même pour les plus combattives d’entre nous, il y a toujours cette idée que si elles-mêmes réussissent à dépasser ça, il y aura toujours quelqu’un pour le rappeler et quelqu’un de leur famille, et pas forcément quelqu’un de masculin, quelqu’un qui est aussi une femme, qui se considère une façon perfectionniste d’avoir réussi c’est-à-dire avoir des enfants, réussir dans son couple, avoir réussi à les encadrer financièrement et leur donner tout ce qu’il faut pour un bon développement, une femme qui considérera que, elle, a mis sa pierre à l’édifice et qui considérera l’autre comme étant quelqu’un de traître, qui va essayer de prouver quelque chose qu’elle n’a pas besoin de prouver et ce qui fait qu’aujourd’hui, encore une fois, dans la négociation et dans d’autres activités, il y a cette petite voix à l’intérieur de la femme qui ne dit pas la même chose à l’homme et c’est ce qu’on appelle la charge mentale c’est-à-dire : mais est-ce que tu es en train de réaliser que ce que tu fais est contre nature ? Et ça, qu’elle se le dise ou que quelqu’un d’autre le lui rappelle. Tu l’as très bien dit, c’est contre elle-même que la femme a le plus à travailler, a le plus à combattre dans un cadre de négociation avant tout.

Ce que j’entends c’est que cette petite voix peut venir de la femme, mais elle peut venir d’un regard extérieur qui peut être masculin mais aussi féminin.

 Tout à fait.

Cette croyance limitante qu’on a, nous, en tant que femme, on peut la transmettre inconsciemment à nos enfants.

Inconsciemment ou consciemment, c’est-à-dire qu’aujourd’hui on a beaucoup de mouvements féministes et on a beaucoup de mouvements féministes très intéressants même d’un point de vue religieux, qui confirment un certain conservatisme avec une vraie noblesse, avec une vraie fierté en disant : mais les filles, pourquoi vous allez essayer d’aller contre nature ? Laissez-vous aller, acceptez le côté féminin, et accepter le côté féminin c’est pouvoir continuer à apprécier recevoir, apprécier faire la cuisine, apprécier être avec ses enfants et, quand on l’écoute, c’est assez déroutant parce qu’on nous a tellement donné ça en termes d’héritage, en termes de transmission, qu’entendre ça, pour certaines, ça heurte, mais certaines qui ont dû faire ce chemin. Pour d’autres, celles qui sont encore dans le choix, c’est-à-dire : est-ce que je fais une carrière ou est-ce que je reste femme au foyer, qui n’osent pas et qui finalement ont cette vision aussi féminine dans un cadre familial, c’est très difficile d’aller chercher ailleurs, surtout quand on vous dit que c’est le bonheur.

C’est vraiment passionnant. Maintenant, on va essayer d’apporter notre petite pierre à l’édifice. Si je suis une femme, comment est-ce que je peux m’émanciper de ces croyances limitantes ? Quels sont les 3 conseils que tu donnerais à des femmes qui voudraient négocier en faisant preuve de plus d’assertivité et est-ce que c’est important qu’elles soient dans une dynamique plus assertive ? Là je pensais à Claudia Neptina Manea qui a sorti une étude en 2020 qui disait que, d’une certaine manière, la femme n’était jamais aussi performante que quand elle assumait totalement son côté féminin avec les qualités et les défauts mais peut-être avec cette charge cognitive en moins, quels sont les conseils que tu donnerais à la femme qui veut négocier ou aussi peut-être en termes d’éducation, au père ou la mère qui va préparer la future génération de futures négociatrices et futurs négociateurs ?

Je reviens sur ce que tu dis en termes de charge cognitive en moins. Pour préciser, je pense que les hommes et les femmes ont tous les deux une charge cognitive, mais vraiment différente. Quand on arrive sur le terrain de bataille, en termes de négociation, on voit que la femme a une capacité d’anticipation sur comment elle va être vue par les yeux des hommes, on le voit aussi dans Les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus, quelques fois, les femmes sont en train de compter le nombre de secondes quand on est sur des sites de dating que le garçon va mettre pour répondre alors que le garçon fait simplement n’importe quoi d’autre, il ne se pose pas la question. Donc on a tout un travail d’anticipation et de réflexion, on parle de charge cognitive, que la femme va pouvoir presque fantasmer alors que l’homme va réussir à pouvoir faire quelque chose de beaucoup plus simple, beaucoup plus direct, sans vraiment se poser de question, ce qui fait qu’on va pouvoir aller dans une démarche qui est beaucoup plus une démarche d’action face à une démarche de réflexion si on veut être caricatural. Des conseils… Alors, déjà, une première chose d’un point de vue intelligence émotionnelle, je sais que tu as un podcast qui est dédié à cette magnifique matière qu’il faut absolument que les femmes puissent connaître. Je te laisse le dire le nom de la personne avec laquelle tu t’entretiens.

C’est Thierry Paulmier. On a déjà enregistré le podcast, je ne sais pas quand est-ce qu’il va sortir, mais on aura un podcast sur l’intelligence émotionnelle, comment on fait preuve d’intelligence émotionnelle en négociation. Est-ce que tu veux aller un peu plus loin sur cette partie ?

 En premier conseil, je pense que cette notion d’intelligence émotionnelle, il faut qu’elle soit très claire vis-à-vis des femmes c’est-à-dire que l’émotion ne doit pas être quelque chose de constamment refoulé. Je ne dis pas qu’il faut que ce soit quelque chose qui explose, mais une femme qui va être constamment dans le refus de toute sensation émotionnelle, même en termes de souffrance en disant : je n’ai pas mal, je n’ai pas mal, je n’ai pas mal – généralement c’est aussi cette espèce de blindage qu’on peut avoir face à de la négociation – ça donne des craquages et cette phase de craquages, ça donne des choses face à des patrons qui peuvent être très mal vécues et qui peuvent faire acte de soumission, qu’il faut absolument contrecarrer. Pour ce faire, je dirais qu’un des premiers conseils c’est vraiment de pouvoir être au fait de l’intelligence émotionnelle, connaître les émotions de base, comprendre à quoi elles obéissent en termes de besoin et surtout avoir comme conscience que la colère et en particulier tout ce qui va toucher à l’agressivité est très mal perçue d’un point de vue féminin. Immédiatement, dès vous allez montrer quelques signes de colère ou quelques signes d’agressivité, on va vous dire que vous êtes hystérique et je rappelle que l’étymologie d’hystérie c’est utérus, donc on va simplement vous dire, Mesdames, que vous devez sans doute avoir vos règles. Ça, ce sont des choses qu’il faut savoir.

D’ailleurs, ils ont changé ça sur le DSM V parce que l’hystérie étant une maladie, maintenant on parle d’histrionique, et ça te rappelle tes premiers amours puisque l’histrion, c’est l’acteur dans le théâtre italien. Donc on a changé ce côté genré de l’hystérie en histrionie. Il y a un propos qui est vraiment intéressant : la colère est moins bien perçue chez la femme que chez l’homme quand je t’entends. Pour moi, chaque émotion est saine en négociation. C’est l’hubris, c’est-à-dire la démesure dans l’émotion, qui n’est pas saine, mais j’ai le droit d’être en colère en négociation. Écoute, ton comportement n’est pas acceptable Guila et ça me met en colère. J’ai le droit de le dire. C’est effectivement ce que tu as dit, c’est l’excès de colère, c’est l’agressivité ou la violence qui est condamnable, mais le fait d’être en colère va me permettre d’être plus vigilent par rapport à l’interaction que je vais avoir, par rapport aux contreparties, au même titre que la joie est une émotion très saine parce qu’elle permet la création du lien plus facilement, de créer des dynamiques de confiance, l’excès de joie va être néfaste dans la négociation parce que je serai moins vigilent, j’aurai plus la capacité à me « faire avoir » dans la négociation. C’est vraiment intéressant ce que tu dis, d’une certaine manière il faut être en capacité d’assumer, d’embrasser ses émotions qu’elles soient positives ou négatives. Je pense que toutes les émotions sont positives en dehors du dégoût qui peut être vraiment un frein à la négociation, mais il ne faut pas avoir peur, quand je t’écoute, de mettre des mots, de ventiler ses émotions, ne pas les conserver jusqu’au moment où elles vont exploser, c’est ça ?

Exactement. Tu as parfaitement raison, la colère, comme les autres émotions, est une émotion positive. Il n’y a pas d’émotions négatives. Ça, Tal Ben-Shahar le disait souvent, le fameux professeur de bonheur à l’université d’Harvard que je vous conseille vivement de pouvoir découvrir. La colère est saine, par contre son expression ne l’est pas, en particulier d’un point de vue féminin. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’un homme qui va être en colère va pouvoir, au niveau des 5 piliers de la communication, au niveau de la voix, du regard, de la gestuelle, de l’ancrage, de ses silences, faire montre d’une certaine puissance si on doit parler de pouvoir. Une femme qui est en colère, si jamais elle fait montre des mêmes signaux, des mêmes manifestations, va être vue comme hystérique. Donc quand on est en colère comme tu dis, on peut passer par une formalisation d’un point de vue mots, une mise en mots, ou on peut le faire savoir mais le faire savoir différemment. Pourquoi ? Parce que si je commence à crier, d’un point de vue féminin la voix a tendance à être assez haute, immédiatement il va y avoir dans la tête de la personne en face cette idée que ce n’est même pas la peine de commencer à lui parler, elle est complètement aveugle à ce que je lui dis. Quand je dis ça, ce n’est pas encore un phénomène de maîtrise, c’est un phénomène de reconnaissance des émotions, nommer l’émotion et réussir à la faire paraître, à la faire entendre pour que l’autre puisse la reconnaître et la faire rentrer dans quelque chose que l’autre peut également traiter parce que c’est juste ça, il faut que vous puissiez continuer dans le cadre de la négociation à pouvoir rester dans un certain traitement de l’information pour pouvoir constituer l’équipe que l’on souhaite que vous puissiez constituer. Donc, encore une fois, être au fait de l’intelligence émotionnelle, faire attention à ces signes qui nous échappent et qui peuvent être perçus comme purement féminins tels que la colère pour l’hystérie, et manifester quand on touche à la colère des choses qui peuvent être compréhensibles pour l’homme et ça, c’est quelque chose qu’il faut avoir en tête. Ça ne veut pas dire s’adoucir, ça veut dire, peut-être, faire montre d’une colère beaucoup plus froide, peut-être plus cassante, peut-être avec un humour, parce que là l’homme est plus fort que la femme, un humour noir. Certaines femmes qui ont un humour noir vont immédiatement être caricaturées dans certains films, je pense notamment à Cruella ou à d’autres femmes de cinéma, mais bizarrement si vous réussissez à faire montre d’une certaine capacité à garder la tête froide et à être assez cassante, vous allez déstabiliser votre interlocuteur qui va presque rire malgré lui parce qu’il s’attend à ce que vous puissiez être débordée par la colère, débordée par l’émotion alors que vous allez lui montrer que non seulement vous avez reconnu l’émotion qui vous habite, mais vous allez réussir à la transformer pour lui renvoyer ce que vous savez que lui va être capable de pouvoir prendre et ça, je trouve que c’est très intéressant. L’intelligence émotionnelle est une clé très importante pour les femmes à avoir aujourd’hui.

Je ne sais plus qui a mené cette étude, c’était à Harvard, qui montrait que dans une négociation, si tu te mettais en colère, tu pouvais avoir des résultats plus intéressants que si tu ne mettais pas en colère en termes d’assertivité. Néanmoins, tu abîmais la relation à l’autre. La colère froide permettait d’obtenir un peu plus que la colère sans trop abîmer la relation. C’est vraiment intéressant parce que je voulais y venir et tu l’as mentionné. La colère froide montre que tu as un certain contrôle du processus et de toi-même et c’est une forme d’assertivité.

Tout à fait. C’est une maîtrise du processus, du système et surtout une capacité d’autodérision. Bizarrement, rire de soi alors qu’on pense que l’on n’est pas parfaite, qu’on ne correspond pas aux stéréotypes de la bonne jeune femme qui doit faire une carrière plus une vie personnelle etc. Réussir à rire de ça va vous donner l’occasion de pouvoir couper l’herbe sous le pied de votre interlocuteur qui lui ne pourra pas rire de ce que vous avez déjà découvert.

Bien sûr. Donc 2 tips de ce que j’entends : prendre du recul sur la situation et mon rôle dans la négociation, sur cette croyance qu’on m’a dit qu’il fallait que je sois parfaite et l’autre chose, c’est être en capacité de nommer ses émotions, de les exprimer pour éviter qu’elles ne viennent me pourrir l’intérieur, c’est ça ?

Sur le premier tips, je vais essayer d’être le plus concret possible, c’est vraiment reconnaître ses croyances limitantes, reconnaître quand j’ai un petit perroquet qui commence à revenir me parler et me parler de moi par moi, parce que les femmes savent très bien sur quel bouton appuyer pour s’autodétruire. Elles savent très bien quoi se dire d’un point de vue physique, d’un point de vue mental, d’un point de vue psychologique, donc on est constamment son propre bourreau dans ce cadre de perfectionnisme. Donc, reconnaître ses croyances limitantes et les changer, et faire en sorte que lorsqu’on les entend, on sache d’où ça vient et les renvoyer à l’expéditeur en disant : non, je ne rentrerai pas aujourd’hui dans ce jeu-là. Donc ça, c’est vrai, une première recommandation sur cette conscience des croyances limitantes. Une deuxième recommandation sur cette capacité d’intelligence émotionnelle, reconnaître l’émotion et justement la traiter, la digérer pour la manifester sous une forme que l’autre peut réaliser avec notamment cette capacité d’humour et d’autodérision que l’on peut développer. Ça, ce sont 2 premiers tips.

Et puis ça permet de préserver la relation à l’autre et après il est responsable de ce qu’il en fait. Est-ce que tu aurais un troisième tips sous le pied pour les femmes qui veulent nous écouter et qui voudraient négocier, faire preuve davantage d’assertivité sur un salaire, sur quelque chose qu’elles n’ont jamais forcément osé demander et se dire aller, j’y vais ?

Il y a un troisième tips qui est très important, c’est celui de répéter. Répéter, ça veut dire quoi ? C’est essayer de trouver un ami, une amie, avec lequel vous allez pouvoir être non seulement vous-même face au patron, vous-même face à la personne avec laquelle vous négociez, mais qui va vous proposer de jouer le rôle de la personne face à laquelle vous vous trouvez. C’est-à-dire que si vous devez négocier un salaire, vous allez demander à quelqu’un de neutre de vous poser 3-4 questions. Les questions peuvent être les suivantes : ça fait combien de temps que vous êtes dans la boîte ? De quoi vous êtes le plus fière ? pour que vous puissiez, avec ces 2 questions, rentrer dans le rôle.  L’autre question va être : qu’est-ce que vous pensez de cette personne qui va négocier avec vous ? Cette personne de toute façon, elle est très forte d’un point de vue boulot, mais psychologiquement, elle ne tient pas. Et en fait vous allez voir qu’en parlant, essayez de vous enregistrer et d’écouter ce que vous dites, à un certain moment, vous allez tellement jouer le rôle que la personne avec laquelle vous devez négocier va dire des choses à travers vous qui vont être les arguments que vous allez devoir reprendre dans un cadre de négociation et ce travail, psychologiquement, ce n’est pas seulement se mettre à la place de, c’est carrément être l’autre à un moment pour qu’il me dise ce qu’il attend, lui, de la négociation et déjà anticiper toutes les réactions que la personne peut avoir. Tu vas aussi nous offrir un podcast avec un acteur et je pense que c’est très utile aux interlocuteurs que l’on comprenne la capacité de négociation qui va être décuplée s’il y a cette possibilité de répétition.

Totalement d’accord et je trouve que la répétition, le fait de répéter, c’est un terme qu’on retrouve dans le théâtre mais c’est toute la phase de préparation que l’on a en amont de la négociation et d’entraînement. Et tu vois, je trouve qu’on ne le retrouve pas dans le monde de l’entreprise, c’est-à-dire que dans le monde de l’entreprise, c’est soit on se forme à la négociation et c’est 1 ou 2% des gens, soit on performe. Chez les sportifs de haut niveau, tu te formes, ou chez les forces spéciales, et toute ta vie tu t’entraînes, tu fais tes gammes et après tu performes et le fait de s’entraîner crée des connexions dans son cerveau. Je trouve ça génial de se préparer, de s’entraîner avec quelqu’un – alors, on pourrait le faire seul, c’est ce qu’on peut retrouver dans la programmation mentale de la réussite, sur de la préparation mentale ou sur ce type de discipline – parce que ça va me permettre d’aller chercher des réponses à des questions qui ne sont pas encore posées et donc, d’une certaine manière, de préparer un scénario du pire, un scénario le plus favorable, un scénario middle et je vais m’entraîner dans cette situation-là et voir comment ça va m’affecter et une fois que j’ai déjà vécu ces émotions, le jour où je vais les vivre en live, elles seront moins importantes et je serai plus à même de faire preuve d’intelligence, d’agilité par rapport à cette situation. C’est vraiment top. C’est vraiment intéressant.

2 choses, Julien, sur cette idée de ne pas répéter dans un cadre d’entreprise. De ce que j’ai pu voir en tant que coach, c’est que l’on ne répète pas dans un cadre d’entreprise, un, parce qu’on dit qu’on n’a pas le temps. La première réponse, c’est la fatigue et la volonté de non-perte de temps. Pour les femmes ce sera une volonté de non-désacralisation. Il y a quelque chose qui est de l’ordre de la peur de l’anticipation qui fait que si jamais je répète, peut-être que ça va mal aller et d’un point de vue quasi-superstition, peut-être que je vais déclencher le fait de perdre. Je sais que je n’y arriverai pas, en plus je n’ai pas envie de commencer à m’énerver ou à pleurer devant mon ami donc cassez ces tabous-là. C’est vraiment quelque chose d’important. La négociation, il faut qu’elle puisse être désacralisée. L’autre personne – et là je m’adresse en particulier aux femmes – vous êtes son égal, vous avez exactement les mêmes besoins physiologiques, c’est quelque chose à garder en tête pour que vous puissiez entrer en contact d’être humain à être humain. Quelques fois, il y a vraiment tout un travail mental chez la femme qui est vraiment la relation taboue et pour casser cette perspective sacralisée, il faut pouvoir entrer dans la répétition.

Totalement d’accord et d’ailleurs, par rapport à ce que tu viens de dire, c’est déjà de prendre conscience, que l’on soit un homme ou une femme, que quand on négocie avec quelqu’un, tout le monde a du pouvoir. Alors on n’est peut-être pas à 50/50 mais on a forcément du pouvoir. S’il n’y avait pas de pouvoir, on serait dans une relation de maitre et esclave et même là-dessus, les travaux de Rougeot nous disent que l’esclave pourrait avoir du pouvoir.

Elle est égale aussi rappelez-vous.

C’est ça. Donc on a tous du pouvoir et c’est prendre conscience que si l’autre négocie avec nous, même si on est dans une position défavorable, c’est qu’on a quelque chose que l’on peut lui apporter et donc c’est prendre, ou en pouvoir de nuisance ou n’importe quel type de pouvoir, mais en tous cas on a du pouvoir et on peut légitimement aller chercher une conséquence, un output positif dans la négociation. C’est vraiment top.  

Ce n’est pas seulement que l’on peut lui apporter quelque chose, ce n’est pas seulement que la personne a besoin de nous, rappelez-vous que dans la négociation, le but n’est pas la dépendance en montrant que l’un ne peut pas vivre sans l’autre, l’indépendance, on fait notre vie, c’est l’interdépendance. Rappelez-vous ça vous ça aussi d’un point de vue final. L’interdépendance, c’est-à-dire que l’on est tous les deux majeurs, on est les deux mûrs et on choisit d’avoir cette relation là parce qu’on sait qu’en gardant et en maintenant cette relation, les deux peuvent aller plus loin. C’est ça l’interrelation et il faut vraiment l’avoir en tête parce qu’on n’est plus dans cette relation de soumission ou de justification avec un regard adolescent ou de rébellion.

Alors c’est intéressant parce que je ne pensais pas du tout aller là-dessus, mais c’est aussi peut-être important de désacraliser le fait que s’il n’y a pas d’accord, il n’y a pas d’accord. Et il vaut mieux qu’il n’y ait pas d’accord qu’un mauvais accord, que l’on soit un homme ou une femme très clairement. Mais il n‘y a pas mort d’homme s’il n’y a pas d’accord et les deux parties prenantes sont 100% responsables du résultat. Ça veut dire que je n’ai pas à culpabiliser, si je suis un homme ou une femme, de dire : on n’aura pas d’accord. C’est l’autre qui est responsable autant que moi et c’est se retirer ce poids de se dire il n’y a pas d’accord, on est en accord au moins sur le désaccord.

 Pour se retirer ce poids, il faut pouvoir préparer ce dont on parlait, la fameuse batna – la best alternative to negociated agreement – c’est-à-dire qu’est-ce qui se passe s’il n’y a pas d’accord et ne pas se dire je ne veux même pas en parler. S’il n’y a pas d’accord, je suis foutu. On l’entend souvent, non. Qu’est-ce que ce je fais ? Je suis toujours moi parce que j’ai autre chose dans ma vie que ce moment de relation, même s’il s’agit d’un patron, qu’est-ce que je suis capable de solliciter ? Mais ça, ça doit venir avant la négociation. Toute cette phase de préparation est cruciale pour que, psychologiquement, vous puissiez vous préparer à entrer en relation avec l’autre en vous disant : même s’il n’y a pas d’accord, il n’y a pas mort d’homme.

Ça c’est un point fondamental dans notre travail, le fait que l’on ne doit pas être dépendant des conséquences de la négociation. Ça ne doit pas être important pour nous. Plus c’est important, moins on est bon dans la négociation. Il faut avoir ce recul et il faut être en capacité pour monter au balcon si je reprends une expression d’Uri dans Getting to Yes. On peut être extrêmement motivé à avoir un accord mais ça ne doit pas être important pour nous sinon on est prêt à tout pour accepter l’accord. Je voudrais revenir sur un sujet que tu as abordé et qui pour moi est au moins aussi important que les tips. De ce que j’ai compris, c’est que c’est notre éducation aussi qui nous fait rentrer dans ces stéréotypes qui ont la vie dure et qui, que l’on soit un homme ou une femme, vont nous limiter dans la négociation. J’ai l’impression qu’il peut y avoir une prise de conscience chez les adultes, chez les hommes, parce que les femmes, vous êtes déjà assez alertes sur le sujet, à partir du moment où ils sont pères et à partir du moment où ils sont pères d’une fille. Là, ils se disent : la place d’une fille ou d’une femme dans la société n’est pas forcément celle que j’avais en tête. Est-ce que tu aurais un ou deux tips pour des jeunes parents qui ont une future génération de négociateurs, négociatrices entre les mains, pour les aider à être des meilleures versions d’elles-mêmes, en tous cas de trouver la paix intérieure pour bien négocier ?

Ce que tu dis est très vrai. Ce qui est assez bluffant par rapport à cette relation père-fille, c’est qu’en fait les hommes n’attendent pas du tout la même chose de leur fille que de leur femme bien sûr, mais dans le traitement, ils ne souhaiteraient pas, la plupart du temps, que le concubin ou le significant other de leur fille puisse la traiter de la même manière que ce qu’eux-mêmes ont pu développer pour leur significant other. C’est assez étrange de voir qu’un homme ne va pas vouloir reproduire le schéma que lui développe vis-à-vis de sa femme pour sa fille. Là, on a un grand moment de solitude parce que quand on commence à y réfléchir, c’est vrai. D’un point de vue féminin, c’est quelque chose qui est assez agressif.

Parce que tu es en plein transfert avec ta fille ? Quand tu es un homme je pense, tu n’as pas de lucidité sur ta relation …

Un transfert mais un transfert de puissance. C’est-à-dire que si le garçon qui va fréquenter ta fille ose traiter ta fille comme toi tu pourrais traiter ta femme, tu serais prêt à pouvoir lui casser la figure. En tous cas, il y a des choses comme ça qui font qu’un homme va pouvoir se réveiller lorsqu’il va avoir une fille. A partir de là, la recommandation c’est quoi ? La recommandation c’est de pouvoir traiter la femme, dans un foyer, le mieux possible et quand je dis le mieux possible, ça ne veut pas forcément dire qu’elle ne fasse rien mais que très tôt, le petit enfant, le petit garçon ou la petite fille, puisse voir qu’il y a une répartition des tâches ménagères, qu’il y a une répartition au niveau des tâches de la cuisine, qu’il y a une répartition au niveau travail, ce n’est pas maman qui reste à la maison, que les deux nous gardent ou les deux travaillent. Très bizarrement, c’est l‘exemple du couple qui va immédiatement donner des repères très clairs à l’enfant et ce ne sont pas forcément uniquement les jouets ou les couleurs que l’on va proposer à l’enfant dès le début. Pourquoi ? Parce que peu importe les couleurs que vous allez proposer dès le début, vous pouvez proposer du rose aux petits garçons et du bleu aux petites filles, vous allez voir très rapidement que de la crèche jusqu’à la grande section de maternelle, jusqu’au CP, ils vont se faire charrier. Pourquoi ? Les codes à l’école sont très peu non genrés. Il va falloir attendre le collège ou le lycée pour se poser des questions de savoir si les toilettes doivent être mixtes, parce qu’on est en pleine adolescence donc on est en plein dans la volonté de casser quelque chose qui aurait été donné avant, même si les parents ont essayé de donner quelque chose avant Donc il y a aussi tout un jeu d’hypocrisie entre ce que la société dit qu’elle veut préparer, à savoir des désilotages je dirais des genres, et au contraire, ce qu’ils vivent à l’école. Ça reste encore très genré. Les jouets que l’on va proposer aux enfants dès la crèche vont aussi très genrés, petites poupées pour les filles et petits camions de pompiers pour les garçons.

Et c’est quelque chose qu’il faudrait éviter ?

Alors il faudrait éviter… On ne peut absolument pas forcer les puéricultrices à pouvoir leur donner des choses.

Non, bien sûr. Mais toi, en tant que parent, tu peux limiter ?

A la maison, ce qu’on peut faire, c’est essayer d’avoir des couleurs comme le jaune, des couleurs qui vont pouvoir être proposées du côté petit garçon et du côté petite fille, proposer là aussi d’avoir des poupées de chaque côté, avoir des jeux de guerre avec des super-héros, super-héroïnes et puis aussi les préparer à la société. C’est ça qui est terrible, c’est-à-dire que votre enfant ne doit pas souffrir vos envies d’indépendance et de volonté de non genrer. Si l’enfant, encore une fois, porte du rose, vous allez voir comment il va subir ce qu’on appelle le bullying, le harcèlement à l’école et ça, il ne vous le dira pas et ce sera quelque chose d’absolument destructeur. A partir d’un certain moment, je pense à partir de l’âge de 6-7 ans, on peut commencer à leur expliquer qu’ils peuvent choisir toutes sortes de sports, proposer aux petites filles d’avoir des jeux stratégiques, que ce soient les échecs…

Ou en compétition avec d’autres si elles prennent du plaisir

Exactement. Si elles prennent du plaisir bien entendu

En fait ce que tu dis c’est respecter l’enfant davantage par rapport à l’individu qu’il est que par rapport à son genre, ne pas l’enfermer dans une case. Si j’ai un garçon qui veut jouer avec une poussette, le laisser jouer avec une poussette, si j’ai une fille qui veut faire de la compétition ou un sport de bagarre, du judo, quand elle est jeune, ne surtout pas limiter les enfants là-dessus du moment qu’on les traite avec amour, bienveillance et le respect des autres dans son cercle familial, c’est ça ?

Oui, moi je suis quand même pour tout ce qui va être jeux et initiation à des sports de combat, pour tout le monde. Je pense que ça peut être très bien pour les petits garçons, les petites filles. Je pense qu’en négociation du coup on pourra avoir les mêmes repères et la même bienveillance puisqu’en face, on saura que la petite fille n’est pas seulement là pour être jolie et se taire, donc je pense que des choses vont être plus faciles à comprendre et puis, quelque chose qui est assez important aussi du point de vue parents : battez-vous contre les profs, les institutrices et les instituteurs. Quand je dis battez-vous, bien sûr il ne faut pas monter au créneau dès que l’enfant a une mauvaise note, mais regardez bien les commentaires qui sont faits. Si les commentaires sont uniquement – ça a été mon cas et c’est pour ça que je peux me permettre de vous en parler – pour descendre l’enfant parce qu’il n’arrive pas à faire des lignes horizontales ou parce qu’il a été absent, n’hésitez pas à prendre rendez-vous avec l’instituteur pour lui demander de rajouter quelque chose : je lui souhaite bonne chance, c’est un enfant très calme, etc. Il faut absolument, ce qu’on appelle la pédagogie positive, qu’il y ait quelque chose qui va permettre à l’enfant, qu’il soit garçon ou fille, d’avoir un rapport d’amour propre dès le début parce que c’est de ça dont on parle. Il faut permettre à ce petit être humain de ne pas être dans une volonté, on le voit très tôt, de se punir parce qu’il n’a pas réussi à faire quelque chose et ça, je le vois. Aujourd’hui, on parle de yoga à l’école, c’est très bien mais il faut vraiment pouvoir leur permettre, psychologiquement parlant, d’être fier et de stimuler des choses qui sont positives en eux et pas tout de suite la baffe de la mauvaise note si jamais quelque chose n’est pas fait parfaitement, au contraire se battre contre le perfectionnisme dès le début.

C’est vraiment génial. Alors on va rester sur cette idée forte. Avant de développer sa confiance en soi qui est sa capacité à agir dans la négociation, que l’on soit un homme ou une femme, ce que tu nous dis c’est qu’il faut déjà travailler son estime de soi. Il y a plein d’études qui ont été faites, je pense à l’effet Pygmalion ou à l’effet Golem qui est son inverse, c’est-à-dire que si on va chercher le meilleur pour son enfant, on crée les conditions pour qu’il le devienne in fine. Au final, si on dit à notre enfant que jamais il ne réussira, c’est l’effet Golem qui est l’inverse – c’est une étude qui a été faite dans les années 90 je crois, à San Francisco – il va prendre cette croyance comme une réalité et il mettra tout en place pour être dans des processus d’auto-sabotage et ne pas y arriver. Donc c’est vraiment génial ce que tu dis, c’est faire en sorte, dans notre éducation à nos enfants – les Américains sont meilleurs que nous je trouve en Europe, ou chez les Français – de leur donner confiance, courage en eux et une bonne estime de soi, que l’on soit un homme ou une femme, et ça permet d’avoir un schéma mental plus sain dans son rapport à soi puis après à l’autre dans son développement personnel. C’est vraiment passionnant.

Et puis enlever le côté c’est faux, en disant « presque ». Ça, c’est quelque chose de très important dans les témoignages et les retours. Ne pas dire : « c’est faux, tu as tort » mais dire : « allez, tu y es presque, c’est presque ça. 2 et 2, ça ne fait pas 5, c’est presque ». C’est vraiment cette idée de l’accompagner pour lui montrer bien sûr plus tard que l’échec est nécessaire pour que, pour les petites filles comme je l’expliquais, il n’y ait plus de peur de dire non en ayant peur de l’échec, en ayant peur de faire peur en disant : objectivement je ne peux pas aller là parce que ça ne va pas t’aider non plus, objectivement je ne serai pas performante en allant là et en ne s’excusant pas.

C’est voir le verre à moitié plein et pas à moitié vide. Ça, c’est vraiment important je pense dans l’éducation et même dans le management, c’est toujours voir ce qui a été fait et puis après, dans un deuxième temps, faire un point d’effort sur ce que l’on pourrait faire. Vraiment ultra passionnant cet échange Guila, très concret. Dernière petite question que j’ai l’habitude de poser : est-ce que la Guila d’aujourd’hui, si elle rencontrait la Guila quand elle avait 20 ans, quel est le conseil que tu lui donnerais ?  

Je lui donnerais comme conseil d’oser dire non, de se battre contre tous les paternalistes qu’elle a pu rencontrer et puis de pouvoir rêver encore plus loin parce que sky is the limit.

Et oser dire non, c’est se dire oui à soi.

 Se dire oui à soi, exactement.

Et nous, dans le processus de négociation, on a aucune peur à dire non et à aller chercher le non. Et quand on est à l’aise avec ça, le non au moins est très clair alors que le oui en négociation, au départ, peut être un peu confusant : oui j’entends, oui je comprends, oui je suis d’accord, oui je vais le faire. Le non est beaucoup plus simple et pour tous ceux qui ont des enfants, c’est ce qu’ils nous disent à longueur de journée : non, non, non, parce qu’en fait, le non protège d’une certaine façon. C’était vraiment passionnant. Un immense merci à toi pour ces propos qui étaient vraiment plein de sens.

Un grand plaisir. Une dernière référence comme ça vous pourrez en savoir un peu plus sur le fameux professeur de bonheur : L’apprentissage de l’imperfection que je vous recommande vivement de lire, que vous soyez homme ou que vous soyez femme, bien sûr dans le rapport à la négociation au niveau féminin, c’est quelque chose qui est important. L’apprentissage de l’imperfection de Tal Ben-Shahar qui reste son best-seller, en particulier en France. Une petite lecture peut-être pour les mois à venir…

On mettra le lien. Un très grand merci à toi Guila pour ces partages.

Merci à toi.

Merci beaucoup et je vous dis, à vous, à dans deux semaines pour un nouveau podcast de Pourparler, le podcast de la négociation. Merci !